Stephan Eicher fait de l’ombre à Napoléon

Stephan Eicher fait de l'ombre à Napoléon

Stephan Eicher vient de signer la BO du film d’Antoine de Caunes : Monsieur N qui sort le 12 février 2003 (sélection du film à Berlin) alors que le disque prend de l’avance et s’installe dans les bacs un jour avant. Comme pour nous prévenir que cette musique peut s’écouter sans les images. L’important n’est pas là, le film est superflu. Voir en trop. Cet album original (et Bande Original itou) c’est une œuvre romanesque qui prend le parti d’accompagner un film mais qui aurait pu exister sans lui.

Enfin ! Enfin cet artiste complet peut étaler sa palette sonore sur un thème sans limite : un film. Calquer une atmosphère lyrique sans la contrainte d’une chanson calibrée pour un besoin donné.

La musique d’Eicher c’est de la neige en été, c’est le vent qui fait mal à force d’être violent et c’est l’écoute de la mer qui s’étend à l’horizon vers l’infini.

Que dire de plus, ceux qui connaissent ce faiseur de miracles sonores qui parsème ses disques (toujours en dessous de son talent malheureusement) de petites perles auditives, souvent acoustiques, débarrassées de l’inutile mais réservées à une face B de single, à l’exception de « Tu ne me dois rien » qui en son temps s’est entendue sur des ondes radiophoniques et qui est sûrement la plus belle chanson française, capable à elle seule de donner l’envie de se séparer de l’être aimé pour toucher pleinement au cœur, ces gens là savent à quel point il atteint l’infiniment grand.

Et le thème d’un Napoléon en exil, reclus, fini ayant connu le grandiose pour s’échouer dans une île perdue, doit le toucher d’autant plus que comme l’empereur, on lui a tressé des couronnes d’or, comme lui il a gagné de criantes victoires pour maintenant retourner à l’ombre de la notoriété. Là où il est le mieux.

C’est lyrique, poétique, grandiose et minimaliste tout à la fois. L’œuvre d’une compositeur classique (qui s’ignorait peut être). Musicale et uniquement musicale. Excepté un « Agnus Dei » splendide chanté par Jean Paul Poletti et le chœur d’hommes de Sartène qui font trembler la corse toute entière. Je laisserais pour les puristes de Monsieur Eicher le loisir de retrouver un seul thème musicale qu’il reprend d’une chanson de l’un de ses anciens albums. (j’espère ne pas me tromper si je vous dis d’aller chercher dans l’album Carcassonne)

Il s’accapare du film, se drape d’une ombre chevaleresque qui lui sied si bien et redevient ce fougueux prince sans grade qu’il n’a jamais complètement oublié d’être en route.