Arrabal mythifie Houellebecq sans le mystifier !

Arrabal mythifie Houellebecq sans le mystifier !

L’exercice (littéraire) était plus que périlleux. Il était même carrément casse-gueule. En effet, que dire du postulat d’un écrivain glorifiant un autre écrivain, qui plus est de son vivant, et ce, quelques jours à peine, avant la plus attendue des sorties livresques de ce dernier ?
Coup de pub, récupération médiatique, parasitage, admiration disproportionnée ? Avouons-le, avant de se plonger dans le « Houellebecq » d’Arrabal, nous avions de sérieux a priori... Pourtant, force est de constater que le plus français des espagnols s’en sort avec les honneurs et nous offre, dans cet ouvrage hors norme, une vision jamais écrite de Michel Houellebecq, son ami à qui il dit « Vous » et pour lequel il voue un quasi culte doublé de beaucoup de tendresse et de respect.

Il faut dire que les deux hommes, s’ils ont de grandes dissemblances, ont aussi des points communs manifestes. Ils sont des figures modernes des Lettres en phase avec leur époque, ils partagent le même goût de la mise en scène et de la provocation, et ils sont devenus des exilés de leur pays d’origine (comme Zola précise Arrabal dans le texte).

Il faut savoir également que bien des années avant la sortie du « Lanzarote » de Michel, Fernando avait écrit un livre analogue sur cet endroit si poétique.

Le parcours personnel d’Arrabal et sa fréquentation assidue des plus grands artistes du siècle légitime, à elle seule, sa démarche. Le dessein du dramaturge est clair, historique, il désire mettre publiquement Houellebecq sur le même plan de talent et de génie que Breton, Sartre, Kundera... et les autres, qu’il a bien connus et avec lesquels il a vécu de belles aventures artistiques.

Houellebecq et son écriture fin de siècle, son célèbre procès suite à ses propos anti-islamistes, son caractère font de lui, d’après Arrabal, un des acteurs marquants de l’histoire des Lettres modernes. Ce livre raconte Houellebecq par l’intime et dans l’échange d’idées. Un houellebecq.

Au-delà de l’œuvre Houellebecquienne, on sent qu’Arrabal est touché par l’homme, l’individu, « Le petit garçon perdu » dirait sa femme Luce Moreau, cet écrivain sensible qui aurait aimé que l’on choisisse une photo de lui et de son chien Clément pour faire la couverture de son livre à paraître en septembre 2005, « La possibilité d’une île ».

Difficile de résumer le « Houellebecq » d’Arrabal, c’est à la fois un carnet de rencontres, des interviews mêlées ponctuées de textes inédits des deux écrivains. C’est, au-delà d’un exercice un peu narcissique et mégalo d’Arrabal, un vrai travail critique de radiographie sensible et latine sur et autour de cet anonyme informaticien Michel Thomas devenu en quelques années le plus célèbre et controversé des auteurs français.

Inimitable, fantasque et original, Arrabal ponctue son « Houellebecq » de savoureuses « jaculatoires », ces formules courtes et « choc » dont il a le secret.

Pour Arrabal, Houellebecq est un génie au sens premier du terme, il nous l’explique très bien en incipit de son livre et l’on peut dire après lecture qu’il a eu le génie de nous convaincre, de nous intéresser et de nous divertir. Pari gagné.

L’ouvrage idéal pour bien préparer sa rentrée Houellebecquienne. Une vraie surprise éditoriale.


Fernando Arrabal est né le 11 août 1932 à Melilla (Maroc espagnol), peu de temps avant que la guerre civile ne déchire l’Espagne. Son père, officier, condamné à mort, a disparu sans que personne sache ce qu’il était devenu. Le traumatisme né de cette tragédie a marqué toute la vie et l’oeuvre de l’écrivain. Enfant surdoué, écrivain précoce, il a fait ses études chez des religieux dont il critiquera violemment l’éducation.

Fernando Arrabal a publié 12 romans, dont en 1959 l’autobiographique Baal Babylone - Viva la muerte, 6 recueils de poèmes, près de 70 pièces de théâtre (théâtre complet réuni en France jusqu’à ce jour en 19 volumes et publié chez Christian Bourgois), 16 essais et épîtres - dont la fameuse Lettre au général Franco, parue du vivant du dictateur -, près de 150 livres pour bibliophiles illustrés entre autres par Dalí, Picasso, Saura, Olivier O. Olivier, Dorny, Cortot, Pouperon, Fassianos...Il a réalisé 7 longs métrages, dont les célèbres Viva la Muerte et J’irai comme un cheval fou, et de nombreuses émissions de télévision.

Fernando Arrabal a été le fondateur en 1962 du Mouvement Panique avec Roland Topor et Alexandro Jodorowsky. "Panique" vient du Dieu Pan, le "grand Tout". L’homme "Panique" est un homme de tous les refus, du refus de tous les dangers, il ne s’expose pas et ne meurt pas en héros.

Bien qu’il soit l’un des écrivains les plus controversés pour sa libre parole, provocatrice et faisant fi des conventions, il a reçu un nombre considérable de distinctions et prix internationaux (Officier des Arts et des Lettres en France, Medalla de Oro de las Bellas Artes remise par Juan Carlos, roi d’Espagne, prix de Théâtre de l’Académie Française, Médaille d’Or du Ministère de la Culture d’Égypte, premier Prix “Théâtre au Pluriel” en France, prix de l’Humour noir, Premio Nadal, le Goncourt espagnol...pour n’en citer qu’une petite partie ). Son oeuvre est traduite dans la plupart des langues ; il figure parmi les auteurs les plus traduits au monde et parmi les dix auteurs francophones les plus traduits en Europe. Son théâtre ne voit jamais le soleil se coucher.

L’Espagne a mis du temps avant de l’accepter comme un de ses plus illustres enfants. Ses pièces y ont été longtemps interdites. Il y fut arrêté pour avoir écrit sur un exemplaire d’un de ses livres, une dédicace “blasphématoire” envers le régime de Franco. Une campagne internationale, notamment menée par Beckett, Mauriac, Ionesco, Miller..., réussit à le faire libérer. Il comptait parmi les six personnalités espagnoles interdites de séjour dans leur pays, avec Rafael Alberti, Santiago Carrillo, La Pasionaria, El Campesino et Lister.

Sa créativité multiple s’est aussi manifestée dans les arts plastiques, qu’il a explorés dans un foisonnement de sculptures, peintures, collages, dessins, qui ont fait l’objet de nombreuses expositions et rétrospectives dans des galeries et musées de divers pays.
“Joyeusement ludique, révoltée et bohème, l’oeuvre d’Arrabal est le syndrome de notre siècle de barbelés et de camps : une façon de se maintenir en sursis”. (in Dictionnaire des littératures de langue française)

Son engagement pour les droits de l’homme est de tous les instants et sur tous les continents. En mai 68 en France il participe à l’occupation du Théâtre de l’Odéon, ainsi qu’à celle du Pavillon de l’Espagne. En 1976 il entreprend une campagne internationale pour la libération des écrivains cubains, et notamment Armando Valladares, emprisonnés par Castro. En 1991 à Maastrich (Pays-Bas), devant les représentants de la Communauté Européenne et 26.000 Croates venus de différents pays d’Europe, il dénonce la violence et les massacres commis par l’armée yougoslave dite “fédérale” contre la population de Croatie.
Quand il ne voyage pas à travers le monde pour donner des conférences, assister aux représentations de ses pièces, et défendre
les droits de l’homme, Fernando Arrabal vit et travaille à Paris. Il y joue aussi aux échecs.

"Houellebecq", Fernando Arrabal, Le cherche Midi, en Librairie le 18 août 2005, 233 pages, 13 euros
Sortie le 18 Août 2005.

Arrabal sur le Net

"Houellebecq", Fernando Arrabal, Le cherche Midi, en Librairie le 18 août 2005, 233 pages, 13 euros
Sortie le 18 Août 2005.

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