Interview : Pierre Pelot

Interview : Pierre Pelot

Atypique. C’est le mot qui vient en premier lorsque l’on observe la carrière de Pierre Pelot. Dylan Starck, les westerns, c’est lui, puis du fantastique, de la SF, du gore, du polar, du roman jeunesse, du roman tout court, de la novellisation... L’homme est un touche-à-tout de l’écriture, un amoureux de la littérature et un maître lorsqu’il s’agit de titrer ses œuvres : Si loin de Caïn, L’été en pente douce, Sous le vent du monde, Ce soir, les souris sont bleues...
Avec plus de 150 titres à son actif, certains n’hésiteraient pas à le qualifier de prolifique. Ils oublieraient bien vite que quand on aime, on ne compte pas ! Et Pierre Pelot aime écrire, ses lecteurs le lui rendent bien, ils aiment le lire.

1. Bonjour Pierre Pelot, si tu avais 17 ans aujourd’hui, choisirais-tu encore d¹être écrivain ?

Sans doute. Est-ce qu’on choisit d’être écrivain ? Oui, peut-être. Ou bien on est. Coûte que coûte. Il est certain que j’aurais plus de mal à le montrer. Le monde littéraire a changé de visage et s’est apparemment fait faire une méchante greffe de brouailles (*tripes ndlr).

2. Au stylo, sur un ordi, la nuit, le jour, lentement ou rapidement, quel genre d’écrivain es-tu ?

Au stylo et sur un ordi et la nuit et le jour, de plus en plus lentement, quelquefois rapidement. C’est vrai. Ça dépend du sujet, du temps qu’il fait, si mon banquier a laissé un message sur le répondeur, de l’humeur des chats, d’un tas de trucs.

3 - Tu as été l¹un des premiers écrivains à ouvrir un site perso, quelle est l’utilité d’un tel site pour toi ?

Je ne saurais pas dire précisément. Dire éventuellement que je suis là. Me mettre en devanture. Jouer les filles dans la vitrine. Etre une journée portes ouvertes en permanence. Raconter des bêtises. Ecrire des choses d’une autre façon. Partager des moments. Prétentieux hein ?

4. Tu viens de sortir Hand, La peau des ombres, en compagnie de Vegliona. On veut tout savoir : comment est né ce projet, comment s’est déroulé la collaboration avec le dessinateur, qu’est ce que tu nous y racontes, combien de tomes sont prévus ???

Le projet, la rencontre, s’est faite par l’intermédiaire de Philippe Vandooren qui était mon premier éditeur de chez Marabout quand j’étais petit, et lui pas beaucoup plus grand. Et qui était aussi devenu mon frère, et accessoirement chef de chez Dupuis, les éditions. Un jour je revois Philippe et on mange ensemble, c’était à Bruxelles ou Charleroi, je ne sais plus, me souviens juste du restau et de la soirée. On reparle de BD. Quand j’avais dix sept ans je voulais faire de la bd. Bon. Le lendemain je rentre chez moi et on se téléphone et Philippe me dit : "A propos, tu n’aurais pas envie de faire quelque chose en BD ?" Je dis qu’évidemment, je n’attendais que ça. (C’est comme pour le cinoche, d’ailleurs) Il me dit « je connais un garçon bourré de talent ». Et voilà. Contact le jour même avec Emmanuel Vegliona (on ne prononce pas le "g", comme dans tagliatelles).

Je lui envoie des bouquins (on s’était dit qu’on pouvait se lancer dans une adaptation de la série des Hommes sans futur, et puis on a abandonné l’idée pour des histoires de droits qui appartiennent encore à Denoël et qu’on ne voulait pas partager, parce que merde, hein ?) J’ai rencontré Manu un peu plus tard à Paris, il m’a montré ses dessins. J’ai dit « youhou ! C’est lui ! » Et puis voilà.
Dans un premier temps je lui ai proposé un scénar très découpé, par paliers. Je pense qu’il préférait travailler sur la totalité du scénar, mais j’avais d’autres urgences - j’ai eu celle, par exemple, d’un infarctus. Bref. Ensuite, on a bossé sur plus de liberté pour lui. Et ça roule impeccable, de cette façon. C’est un fou de travail, un acharné total. Avec pleins de supers idées qu’il apporte. Les papillons c’est lui, à la base, par ex. C’est un régal de travailler avec quelqu’un qui s’investit à ce point. Il est à Paris, moi ici (ailleurs) et on travaille par courrier, fax, téléphone. Quand il aura gagné plein de sous il achètera un ordinateur et on bossera par mail.

5. Le Pacte des loups, L’été en pente douce, la survie des écrivains passe-t-elle par le cinéma ?

Non mais le cinéma ça aide. Le Pacte ça m’a joliment aidé. D’abord parce qu’après la panne (voir plus haut) j’ai quand même eu un grand coup de mou, du mal à y revenir. L’écriture du Pacte m’a remis le pied à l’étrier. Joli scénar. Bien à raconter. Ecriture en recherche pour coller à l’époque, etc. De bons moments.

6. Comment est née l’idée de ta grande fresque préhistorique en 5 volumes intitulée Sous le vent du monde ? Quelques mots sur Yves Coppens ?

Après qu’un jour les gens de la Fondation 93 m’aient demandé si je voulais collaborer à un projet avec Coppens et Liberatore - Le Rêve de Lucy - j’ai eu envie de continuer l’aventure. Ne pas m’arrêter aux Australopithèques (australopiquette, dirait ma petite nièce). Raconter en romans et dans leur quotidien, l’évolution de l’homme sur tout le paléolithique - deux millions d’années. Rien de moins. J’ai demandé à Yves s’il voulait continuer de me conseiller scientifiquement sur cette tentative-là. Il a dit okay sans hésiter. Je pense que mon boulot sur Lucy lui avait bien plu. Et en avant. Dix ans de ma vie. Dix ans pour deux millions d’années de curiosités et d’errances. Belle aventure. Sur le plan de l’écrit en tous cas, pour le moins. C’est une série qui m’a donné les plus beaux retours de lecteurs - et surtout "trices". Bia (la chanteuse) a même écrit une chanson, qui s’appelle Le Vent du Monde, inspirée des romans. Très belle chanson.
Coppens est un homme absolument formidable d’une grande générosité, entre autres qualités. Nous avons je pense fait un beau boulot de vraie collaboration, en se nourrissant l’un de l’autre. Il n’a pas changé une virgule de ce que j’ai écrit et je ne pense pas avoir tordu ses théories scientifiques en les mettant en scène. C’est devenu un ami. Je parle mal de mes amis.

7. Avec plus de 150 livres à ton actif, tu connais je pense relativement bien le monde de l’édition et son évolution depuis 30 ans, pour pouvoir nous en parler. Comment se porte-t-il ? Quels sont ses travers, ses dérives ?

Non, je ne connais pas bien. Sinon du pas de la porte. N’ai pas souvent envie d’entrer. Je préfère me garder quelques potes et potesses (comment on dit "pote" au féminin ?) ici et là dans la cour, et basta. C’est pas difficile de se faire une idée de comment ça se porte, tout ça, ça marche avec une rentrée littéraire dans l’année, plus de 600 titres qui paraissent, et de combien on parle dans la presse et les médias ? Et combien on voit d’auteurs sur les 600 ? Et que se passera-t-il une fois les prix attribués ? Quelle sera la couleur du silence ? Voilà.

8 - Quel genre d’homme es-tu ?

Plutôt barbu.

9 - Loana en sex-symbol, TF1 pour précepteur, Jean-Pascal en néo Citizen Kane... Les 15-25 ans ont-ils un avenir ?

Si Loana est un sex-symbol, je suis Saint-Pierre, TF1 je regarde pas, Jean-Pascal je sais pas qui c’est.
Qu’ils se démerdent sans moi, les 15-25, avec leur avenir. C’est le leur après tout, pas le mien.

10 - Michel Houellebecq, Amélie Nothomb ou Christine Angot ?

Pas lus. Juste entendus et vus, ça m’a suffit. La plus tête à claques n’est quand même pas Houellebecq.

11 - Dylan Pelot, ton fils, est également écrivain. Est-il un bon écrivain ?

Il n’est pas écrivain - il a écrit trois ou quatre textes. Il est illustrateur, graphiste, plasticien, compositeurs de trucs, tripatouilleur de choses, réalisateur de courts. Et là il est bon, oui.

12. Le dernier livre qui t’a marqué ?

Crépuscule sanglant de James Carlos Blake. INCONTESTABLEMENT. Chez Rivages. Et puis aussi Choke de Chuck Palahniuk (Denoël). Et aussi deux romans de Daniel Woodrell - La fille aux cheveux rouge tomate et La mort du petit coeur. Encore chez Rivages noirs. Ça fait quatre, ça comme dernier livre...

13. Si tu avais à écrire ton épitaphe, quelle serait-elle ?

Ci-gît une victime du verbe gésir.

14. Tu es l’un des rares auteurs français à avoir écrit du western. Qu’est ce qui t’a attiré chez les cow-boys américains ?

Tout ce qui n’était pas les cow-boys. Par exemple les Indiens. (sic)

15. Quel est le meilleur compliment que l’on t’ait fait ?

Top secret... Le tien concernant HAND n’est pas mal du tout ! (Par mail, lors de la préparation de cette e-terview j’avais écrit à Pierre Pelot : « Lu Hand hier soir, beaucoup aimé. Ai besoin de le relire pour complètement m’immerger dans le monde créé par toi et Vegliona. C¹est touffu, dense, le lecteur a l’impression d’en perdre des bribes, a peur de passer à coté de trucs. En tout cas ça m’a epoustouflamenté. Vache de vache. Depuis l’Incal, ça m’avait pas fait ça ! » ndlr)

16. Thierry Ardisson ou Marc-Olivier Fogiel ?

Et pourquoi pas Tartine ou Mariolle ?

17. Ta drogue de prédilection ?

Les pâtes.

18. En quoi l’existence de Pierre Pelot a-t-elle un sens ?

En celui de la marche. Et de la pirouette.
(Souvent je me demande. Quelquefois je me réponds - et je crains de ne pas avoir trouvé mieux que : exister un peu...)

19. Es-tu heureux ?

De loin en loin, par-ci par-là, probablement.

20. Par quoi as-tu envie de terminer cette E-terview ?

Par un café et une part de mon gâteau d’anniversaire aux abricots - c’était mon anniversaire le 13, il reste encore un peu de gâteau.