Interview : Benoît Dorémus

Interview : Benoît Dorémus

Attention talent ! Ce garçon-là a tout pour rendre jaloux ses confrères chanteurs issus de la nouvelle génération qui monte. Pourtant "La Jalousie est un poison qui rend con", c’est lui qui le dit, dans un de ses excellents textes écrits aux petits oignons pour nos oreilles musicophiles.
Benoît Doremus est bien parti pour, un jour, embrasser ses rêves artistiques et rejoindre son double fantasmé Adésias Benito, le chanteur écrivain.

On ne peut que vous encourager à découvrir l’univers fort et sans concession de ce jeune artiste qui a la rage, l’audace et le génie de son époque.
Quant à dire (comme cela se chuchote ici et là) qu’il est le nouveau Renaud, ce serait une grave erreur très réductrice, car il n’a rien à envier à personne et son style est unique et inimitable. Entretien avec la Révélation du moment.

1. Bonjour Benoît Dorémus, je suis ravi de t’accueillir sur Le Mague. Pour tout te dire j’ai découvert ton travail musical grâce à un chanteur concurrent, que j’apprécie beaucoup par ailleurs, mais qui, lui, disait beaucoup de mal de toi. Par esprit de contradiction j’ai voulu en savoir plus et j’avoue que j’ai été conquis par ce que tu fais.
Ce qui semble évident donc c’est que soit on adore Dorémus soit on le déteste, il n’y a, semble-t-il, pas de juste milieu...

Hmm... je crois savoir de qui vous parlez... C’est encore ce Thierry Jullien, n’est-ce pas, à qui vous avez eu le bon cœur de consacrer une interview récemment ? Ce brave garçon me suit depuis des années maintenant, assiste dans l’ombre à chacun de mes concerts. Quand je le vois, peu discret, en train de prendre des notes ou de filmer, ou déguisé en femme pour m’approcher, j’ai toujours ce même pincement de pitié au cœur. C’est un névrosé, sans doute déchiré entre haine et fascination pour moi. Il en a même écrit une chanson avec un des acolytes, m’a-t-on dit. J’ai peur qu’il ne se fasse irrémédiablement beaucoup trop de mal. Il faut qu’il accepte d’avoir sa vie propre à mener.

2. Ton univers est très original, très écrit, très gouailleur et très moderne mais comme on est en France, le pays de l’étiquette, on ne cesse de te dire que tu es un mélange de Renaud et Eminem français. Enervant ou flatteur ?

C’est flatteur, bien sûr. Notons que je suis plus souvent comparé à Renaud qu’à Eminem. Eminem, c’est plutôt pour la blague : ce que je fais reste de la chanson française, même si quelques titres ont une sonorité hip hop. Il ne faudrait pas que les étiquettes soient trop collantes, mais au stade où j’en suis, être comparé à l’un des plus grands chanteurs français et au plus grand rappeur de tous les temps, on fait pire, non ?

3. Il y a une chanson dans ton nouvel album qui fait beaucoup penser à Léo Ferré, c’est un maître, un modèle pour toi ?

Léo Ferré ?... Je me gratte la tête en me demandant de quelle chanson vous parlez, c’est la première fois qu’on me fait ce rapprochement. Pour moi Léo Ferré n’est ni un modèle, ni un maître. C’est un mort.
J’ai essayé de m’y mettre il y a quelques années - mon père ne jure que par lui - mais ça n’a rien déclenché de particulier chez moi. Son éloquence m’impressionne assez, j’aime bien être baigné dans son flot de paroles dans des chansons comme « Le Chien », j’aime bien ses « R » qui accrochent. A une époque je la savais par cœur celle-là, mais sans vraiment comprendre de quoi il s’agissait. Trop compliqué pour moi.

4. Tu as une étrange maturité artistique pour ton âge, le sérieux, le professionnalisme et l’attention que tu portes à tes textes et aux musiques font de toi une sorte d’ovni. Comment expliques-tu cette exigence avec toi-même et ton art ?

Merci pour le compliment, mais enfin... manquerait plus que je ne sois pas exigeant ! N’est-ce pas normal de l’être ? Je me donne du mal quand je mets une chanson en chantier, même légère. C’est du boulot ! Le but c’est de l’aimer toujours autant quand je la joue ou l’entends pour la 100ème fois. Je veux ne pas me lasser de certaines phrases, de certains enchaînements.
J’aime aussi l’idée qu’il faille quelques écoutes pour tout décrypter. C’est aussi par respect pour ceux qui l’entendront 100 fois. Sinon à quoi bon ?

5. Ta chanson sur la jalousie "Un poison" parlera à tous les mecs et toutes les filles du monde, en cela tu touches vraiment quelque chose de générationnel et même d’universel...

La jalousie bouffe tout le monde un jour ou l’autre. Que chacun puisse se retrouver dans « Un poison », c’est tout ce que je souhaite.
C’est aussi ma manière à moi d’écrire des chansons d’amour. Je préfère aborder le thème à revers. Il m’est plus facile de dire Je te hais et je vais t’étrangler. L’amour rend vulnérable, c’est ce que j’aime mettre en avant. Je n’ai pas encore le talent de dire Je t’aime dans une chanson et d’être crédible. C’est extrêmement difficile et ça ne m’intéresse à vrai dire pas beaucoup.

6. D’où te vient cette rage de vivre, de créer, d’éructer cette violence contenue, cette énergie au-delà de la normale... on pourrait dire que chacune de tes chansons est un cri...

J’aimerais ne pas partir dans le côté « J’adore écrire, j’ai toujours écris, j’en ai besoin... » mais c’est malheureusement la vérité. Je ne sais pas de qui au juste j’ai hérité... de mes parents fins lettrés, un peu sans doute, mais je crois être tombé dedans sans que personne m’y pousse, et je ne veux pas en sortir. J’essaye de gagner le grand bain à présent, là où nagent les requins.
La rage de vivre en tout cas, chacun l’exprime à sa manière, aussi fort que je peux le faire. Moi c’est via les mots et la musique, c’est donc médiatisé. Mais je ne pense pas que mon énergie soit au-delà de la normale. J’espère pas !

7. En fait tu réussis dans ta musique la prouesse de réunir dans la même harmonie deux genres antinomiques que sont la chanson française réaliste des années 40 et le rap actuel...

J’aurais bien aimé, mais je ne suis pas et ne serai jamais un rappeur à proprement parler, je n’en ai pas la culture. Cependant le fait que mes textes soient souvent longs et à moitié parlés, le fait que j’aime me mettre vraiment à nu dans mes chansons sont aussi des particularités du hip hop. Il est naturel que je sois attiré par cette musique et que je m’en serve un peu.
Mais j’aime trop l’accordéon, j’aime trop les mélodies tristounettes à la guitare pour faire du hip hop. Alors ça donne ce que vous dîtes, quelque chose d’hybride.
Pour finir je ne crois pas que ces deux genres soient antinomiques. Beaucoup de rappeurs français se réclament volontiers de Gainsbourg ou de Renaud, par exemple. C’est la même famille. Il y a beaucoup à faire pour l’agrandir.

8. Il y a dans ta production musicale une vaste réflexion musicale et artistique redondante sur l’ego, sur tout ce qui tourne autour de toi, c’est très intéressant mais tu n’as pas peur que ce centrage perpétuel sur toi-même en énerve certains ?

Je préfère me servir de ce que je connais, c’est-à-dire de moi-même, pour aborder des thèmes qui éventuellement peuvent toucher d’autres personnes. Cette spontanéité est peut-être trop rare dans la chanson, alors elle étonne. Dans le hip hop, ça ne surprend jamais.
L’exercice n’est pas forcément toujours réussi, mais quand on se reconnaît dans « Un poison » par exemple, c’est que la chanson va au-delà du « centrage perpétuel ». De toute façon on ne vient pas m’écouter pour la beauté de ma voix. On vient, j’imagine, pour adhérer à un univers, une histoire, un style peut-être. Les gens que ça énerve doivent attendre impatiemment le début de la Starac’5 aseptisée.

9. Lorsque tu seras, et je te le prédis, un chanteur qui aura pignon sur rue, que feras-tu de ton succès ?

Je me méfie des prédictions. D’ici à ce qu’elles se réalisent, je crains d’avoir pas mal de dettes sur le dos. Mais admettons : je me paierai des putes de luxe à Los Angeles, je critiquerai ce que font les jeunes, je ne chanterai pas pour les Enfoirés, je traverserai Paris en ambulance privée pour être à l’heure aux émissions de télé que je quitterai au beau milieu en gueulant, je sortirai des Best of pour me la couler douce, je donnerai mon nom à mon ancien lycée, je survivrai à deux tentatives d’assassinat, je rachèterai Le Mague et les chansons de Thierry Jullien pour qu’on ne les entende plus.
Et j’aurai chaque jour que Dieu fait un sourire grand comme ça de pouvoir enfin vivre de mes chansons !

10. Par quoi désires-tu terminer cette interview cher Benoît Dorémus ?

Merci beaucoup. A la prochaine. Longue vie, longue carrière au Mague et à Thierry Jullien.

Benoit Dorémus : Jeunesse se passe

Premier album le 24 septembre chez Capitol


Doremus J’apprends le métier

Le Myspace de Benoit Doremus