Interview : l’éditrice Isabel Asúnsolo

Interview : l'éditrice Isabel Asúnsolo

Abreuvée et nourrie de livres dès son arrivée sur le monde terrestre, la madrilène Isabel Asúnsolo écrit comme elle respire. Armée de sa plume, elle se crée un univers où elle prend un malin plaisir à le faire partager à ses lecteurs.

Lancée depuis peu dans l’aventure éditoriale, Isabel Asúnsolo vient de publier son dernier recueil intitulé "Marmotades" et se prête au jeu de la rencontre virtuelle.

Les éditions L’iroli sur le web

1- Cinq mots commençant par A vous définissant bien.

Aventure. Je la recherchais quand j’essayais de me perdre dans les couloirs interdits de mon école (de religieuses) à Madrid.

Asúnsolo : Le nom d’origine basque de mon père qui me relie à ma première langue, l’espagnol.

Amis : quelques très bons, de chaque côté des Pyrénées et d’ailleurs.

Appétit : de voir, d’écrire, de découvrir, d’inventer, de tout.

Apprivoiser
le monde animal, les autres, l’inconnu...

2- Vous venez de vous lancer dans l’expérience de l’édition. N’est-ce pas une aventure bien risquée par les temps qui courent ? ...

Et oui, sans doute. J’y pensais justement hier ! Est-ce bien raisonnable ?
Mais aussi : pourquoi pas ? Parmi ceux qui ont tenté cette aventure, il y en a même qui ont réussi ! Dans mon cas, l’écriture est une nourriture, les livres sont partout depuis toujours. Adolescente, j’étais tout le temps malade, et j’ai dévoré au lit tout Zola et tout Colette à douze ans, sans compter la littérature espagnole. (C’est peut-être de là que vient " l’iroli")... J’aime écrire et je me débrouille mais je crois surtout que je sais ce qu’est un bon texte.
D’un côté, je suis très critique et perfectionniste et, de l’autre, je fais tout pour encourager les gens à écrire. Ces deux choses sont-elles incompatibles ? Non, C’est le propre d’un Editeur.

3- Qu’est-ce qui fait écrire Isabel Asúnsolo ?

Je crois que c’est le désir de relation. Mon père inventait des histoires qu’il me racontait un soir après l’autre pendant des mois... Je suis en train de le harceler pour qu’il les écrive ! Seule sur une île déserte, l’écriture me relierait à tout un monde, me ferait peur, me ferait rire. Un monde avec des personnages inventés mais inspirés par les gens rencontrés pendant quarante ans. On peut se créer un monde par l’écriture et on a ensuite un malin plaisir à le partager avec les lecteurs. Mais dans un premier temps, on peut partir simplement de l’expérience vécue... Voilà pourquoi j’ai choisi pour ligne éditoriale "De l’expérience à l’expression". Cette démarche d’écriture évite le jeu intellectuel, les textes que personne ne comprend, finalement.

4- Quels sont les lieux que vous affectionnez plus particulièrement pour la lecture ?

Je lis surtout couchée. Il y a une montagne de livres de part et d’autre de mon lit ! Mais je lis partout aussi. J’ai un faible pour le train.

5- Pouvez-vous nous livrer quelques lignes de votre dernier recueil « Marmotades » paru récemment ?

C’est un livre où j’ai essayé de retenir les moments tendres de l’enfance qui passe à toute allure... Les personnes qui l’ont lu se sont senties reliées à leur propre enfance ou à leurs propres enfants.

6- De quoi est faite la vie d’Isabel Asúnsolo lorsqu’elle n’écrit pas ?

Elle est faite d’une vie intense pour ne pas perdre une miette... Je mets beaucoup le nez dehors. Je marche, j’ouvre mes yeux et je regarde les insectes, les plantes. J’aime beaucoup la botanique et les oiseaux. Et les gens aussi. Je vais dans un café, je prends le métro et j’écoute les gens parler. Je parle avec les gens. Je vais et je viens et puis j’écris. Je peins un peu aussi. J’aime bouger et rester immobile. J’aime le bruit des bars et le silence... J’aime tout. Je suis un peu fatigante pour mon entourage !
Je m’occupe aussi de mes trois enfants en leur montrant tout ce qu’il y a de beau à voir dans le monde... Le premier mot qu’il faut dire à un enfant : "Regarde"...

7- Internet et l’édition numérique vont-ils tuer le livre papier ?

Ne pas confondre "édition" avec "impression" numérique. Cette dernière, que je pratique, est un moyen de publier moins cher à de petits tirages...
Quant à l’édition numérique (Internet), c’est un moyen fabuleux d’échanger, d’écrire et de rencontrer des gens qui écrivent. On lit de très bonnes choses sur le net. Mais après, on a très envie de voir apparaître le vrai livre de tel poète ou nouvelliste pour l’emporter avec soi de la même façon qu’on a envie enfin de rencontrer la personne en chair et en os... C’est parce que le net est "décharnel" que le besoin d’un vrai livre à toucher, humer, souligner et emporter partout devient d’autant plus fort. L’un donne envie de l’autre... Et puis je suis désolée, mais je n’importe pas mon ordinateur dans mon lit ! Non mais !

8- C’est pas un peu ringard d’organiser des soirées poésie tous les mois dans un café de Beauvais ?

Ah, ah, il est mignon ce mot, "ringard"... Et bien, moi je ne connais pas trop ce que ça veut dire : je sais seulement si quelque chose fait plaisir ou pas. Et là, les gens qui viennent au café lire des poèmes qu’ils ont aimés dans leur enfance ou qu’ils ont écrits eux-mêmes passent un bon moment. C’est aux antipodes de la soirée face à l’écran et "ça change" ! C’est ouvert à tout le monde, on prend un verre (ou une verveine) et on échange...

Je préfèrerais plutôt vous emmener boire un verre et écouter un bon groupe de rock dans une salle sombre et enfumée. Ca vous tente ?

Mais tout me tente ! Et d’ailleurs, Vincent, j’ai hâte de vous rencontrer un de ces quatre...

9- Baudelaire ou Rimbaud ?

Les deux . Mais je serais encore plus Federico García Lorca.

10- Quels sont les projets de votre maison d’édition L’Iroli pour l’année 2006 ?

On m’a soumis quelques bons manuscrits de poésie et de prose. Je vais sans doute publier un auteur beauvaisien. Je vais faire la promotion du livre que je publie en ce moment : "Je marche seule", un recueil d’expériences et de réflexions d’une femme qui marche seule en moyenne montagne...
Je souhaiterais aussi m’investir dans des projets locaux, d’histoires de villages, de familles...

11- Que signifie pour vous le mot « rencontre » ?

C’est la fenêtre sur le monde. Comme la fenêtre, la rencontre est le point de départ de tout. Même une fenêtre fermée est intéressante car on peut voir à travers.

12- C’est quoi selon vous un texte réussi ?

Arriver à se faire comprendre me paraît l’essentiel. Si le lecteur ne comprend pas un texte c’est, la plupart du temps, que les phrases sont mal tournées et qu’il faut réécrire plus simplement. Il vaut mieux éviter les phrases trop longues, ne pas vouloir faire joli... et penser au lecteur. Ecrire c’est d’abord faire passer un message. Les astuces, ça s’apprend et ça se travaille comme tout le reste.
Un atelier d’écriture verra le jour à la rentrée au centre Voisinlieu Pour Tous où l’on apprendra à apprivoiser l’écriture.

13- Isabel Asúnsolo en 5 dates.

1966. J’ai un an et je vois tomber la neige à Madrid. Je crois que ce sont des feuilles de papier...

1967. J’ai deux ans et je dis mes premiers mots : "Ventana" (fenêtre), suivi de "Zapato" (chaussure).

1983 : J’arrive en France pour étudier l’agriculture à Toulouse. (Je suis Ingénieur).

1989 : Naissance de mon premier enfant et départ en coopération au Mexique avec mon mari Xavier et Pierre qui avait 3 semaines... J’ai vraiment découvert un nouveau monde : celui des Indiens qui se louent pour quelques "pesos" et travaillent dans les champs avec leurs enfants qui mangent toute la journée des tomates vertes...

2005 : Aujourd’hui !

14- Pouvez-vous livrer en exclusivité à nos lecteurs un de vos textes inédits ?

J’aime beaucoup le haïku, ce très court poème pour dire le présent perçu par les sens, ce qui n’est pas si facile... J’ai écrit celui-ci alors que je me promenais à vélo sur la belle plaine picarde au mois de mai de cette année :

retenir son souffle -

du tas de fumier craquelé

l’alouette s’envole

15- Par quoi souhaiteriez-vous terminer votre E-terview ?

Par une envie de travailler avec ceux qui voudront bien m’envoyer leurs textes.

Enfin, n’oubliez pas le concours de micronouvelles gratuit sur notre site www.editions-liroli.com. Il s’agit de raconter quelque chose de banal en moins de 2000 mots (4 pages dactylo). Il faut toucher le lecteur, le surprendre... lui donner envie. Les meilleures micronouvelles seront publiées et diffusées.
Les Editions L’iroli seront présentes à cinq salons régionaux et nationaux à partir de la rentrée de septembre.