Pédophilie et amour propre

Pédophilie et amour propre

Le 24 septembre 2002, je fus invité par la Société des Actes pour une Cohésion de l’Union Européenne (S.A.C.U.E) à assister à un colloque sur la Poésie espagnole du XIXe siècle. Je résidais à l’époque à Londres et je résolus de m’y rendre car l’une des conférences traitait de l’œuvre du grand poète Luis Cernuda.

L’atmosphère de l’édifice, un splendide hôtel particulier de style renaissance situé au cœur du Marais parisien, rappelait le charme, l’aisance et la tranquillité des Clubs cossus de l’Angleterre victorienne. J’étais arrivé le matin et repartais le soir même. La conférence sur Cernuda était annoncée pour midi et je décidai de passer la matinée entre les vieux messieurs ; professeurs d’universités, érudits, spécialistes, poètes et écrivains qui bavardaient dans les grands salons et les couloirs. Le va-et-vient entre la salle de conférence et l’extérieur fluctuait selon la réputation et l’habileté des conférenciers. On me dit qu’un professeur de Salamanca présentait un remarquable travail sur Antonio Machado. Je décidai d’assister à l’exposé et pénétrai dans la grande salle.

On venait de présenter, je crois, les membres élus du dernier bureau. Le président fit un bref discours, rappela les principes d’équité et de tolérance défendus par la Société qu’il représentait et fut particulièrement dur contre les récents scandales pédophiles qui secouaient le monde chrétien et en particulier l’épiscopat américain. Une salve de francs applaudissements clôtura son intervention.
Le professeur de Salamanca attendait derrière lui, un brin nerveux, le visage crispé. Je parcourus mon programme : « La ruralité dans l’œuvre poétique de Antonio Machado », présentée par Eugenio Vazquez, professeur émérite de l’Université de Salamanca. Le titre n’avait rien de trop excitant ; la tête de notre érudit non plus. Il posa délicatement ses feuilles de papier devant lui, se racla la gorge et commença.
Un homme d’une soixantaine d’années se leva alors derrière moi et lança une protestation énergique qui pétrifia l’assemblée.

« Je lis sur le programme : « ruralité et poésie ». C’est intolérable, messieurs ! Nous savons tous que Antonio Machado était pédophile ! Qu’attendez-vous pour aborder le sujet ? ». L’homme en question, un petit maigrelet en redingote, fine moustache et port gracieux, se rassit, sourit gentiment à ceux de ses voisins qui l’observaient encore et leva sereinement le menton en direction de l’estrade. Un murmure s’éleva alors dans la salle et le conférencier reprit son texte là où il l’avait laissé…
- « N’est-ce pas un acte de pédophilie que de déflorer une jeune fille d’à peine 13 ans ? », lança alors le petit homme. Même si la fillette est votre femme, cela n’enlève rien à la chose !

Des murmures outrés traversèrent la salle. Le conférencier ôta ses lunettes et répondit :
« - Monsieur, je ne supporterais pas un instant de plus que l’on salisse le nom d’un des plus grands poètes en langue espagnole ! »(...)

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