Bonjour Tristane !!

Bonjour Tristane !!

« J’ai oublié de la tuer » (éditions Anne Carrière) évoque les révoltes sourdes de l’Enfance, les douleurs qui ne se prononcent pas, qui ne sortent normalement pas de la tête des petites filles modèles, sauf ici dans une belle Littérature qui force le respect. La violence n’a pas de milieu social, la tristesse se moque de la lutte des classes, voici l’histoire forte, juste et remarquablement écrite des Malheurs de Flore. Conte moderne dans un milieu préservé où l’on n’imagine pas les drames latents derrières les feuilles d’or et l’apparat.

Flore ou l’histoire autofictionnelle d’une petite gamine filiforme, à la peau blanche, aux cheveux blond foncé qui tente de survivre dans une cage dorée qui ne l’épargne ni de la souffrance, ni de la solitude et ni du manque d’amour. Des appels au secours.

Avec ce livre Tristane Banon prouve qu’elle n’est pas seulement une ravissante jeune femme médiatique, mais bel et bien un écrivain très prometteur. Son premier roman mérite qu’on s’y arrête et qu’on le défende, hardiment. Le prologue par exemple est d’une superbe force narratrice, d’une magnifique efficacité, d’une renversante lucidité.

« Mon père est un "serial killer" : comme eux il n’est pas vraiment beau, comme eux il sélectionne celles à qui il fera mal (...) »

« Ma mère vend du rêve, c’est une marchande de bonheur bien enrobé »

Et puis il y a les mots qui ne sont jamais extirpés au hasard dans la mémoire réminiscence, sans haine mais qui lutte contre l’oubli : « occupée » au lieu « d’absente » pour la Mère, sorte d’arlésienne de l’amour filiale qui fuit ses responsabilités et puis le personnage pivot la « mauvaise » « Bonne », Amira, cent treize kilogrammes de graisse qui s’occupe de Flore dans les deux cent mètres carrés d’un appartement de riches au 221 rue du Faubourg-Saint-Honoré.

La Bonne marocaine, cruelle, intransigeante, manipulatrice et dictatoriale règne en maîtresse incontestée du lieu et la petite fille. La mère a complètement délégué l’éducation de sa fille à cette créature abîmée par la vie, alcoolique et malheureuse.

Pendant ce temps Flore tente de se construire, se rendant bien vite compte que malgré l’aisance financière de sa famille, elle vit recluse sous la domination totale d’Amira.

S’élabore alors, petit à petit dans l’esprit de la petite Fille une envie féroce et récurrente, TUER LA BONNE, pour retrouver sa mère perdue, pour mettre fin au sortilège de cette méchante fausse bonne marraine.

Roman initiatique, critique sociale, itinéraire sensible d’une pauvre petite fille fortunée auquel on s’identifie forcément, Tristane Banon raconte le drame universel de l’incompréhension entre les générations, nous plonge dans les rêves, les désirs et les fantasmes d’une très jeune fille avec un vrai sens de l’écriture, du rythme et du dialogue. Une tranche de vie narrée sans pathos, sans faux semblants.

Qui n’a pas eu, un jour, cette envie de meurtre tenace envers sa mère, son père ou quelqu’un de son entourage ?

Tristane Banon réussit un premier roman saisissant qu’il serait bon de découvrir ou re-découvrir à sa juste valeur un an après sa sortie.

« J’ai oublié de la tuer » est un livre marquant, intelligent, subtil et bouleversant qui a véritablement sa place dans toutes les bibliothèques des amoureux des mots, de tous ceux pour qui l’Enfance est une douleur qu’ils n’ont pas forcément pu dire ou révéler aussi bien que la talentueuse Tristane. Lorsque les écrivains sont les anesthésistes de nos propres tragédies du passé...

"J’ai oublié de la tuer", Tristane Banon, Anne Carrière, 2004, 131 pages

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