Interview : L’écrivain Stéphanie Hochet

Interview : L'écrivain Stéphanie Hochet

Petite jeune femme trentenaire brune à l’air bien décidé, Stéphanie Hochet a décidé de vivre pour et par la Littérature, en rendant hommage aux mots et aux écrivains qu’elle admire avec discrétion, talent et dignité.
Son dernier roman "Les Infernales" (Stock) met en scène l’étrange destin de deux ex petites filles devenues femmes puis vieilles femmes et qui auront pendant toute leur existence un lien de dépendance réciproque, d’amitié forte. Un binôme vénéneux et pluriel.
Rencontre avec un écrivain de la nouvelle génération qui, elle, ne fait aucune aucune compromision avec son Art. Rencontre.

1. Bonjour Stéphanie Hochet, merci de répondre à nos questions pour le Journal LE MAGUE. Votre roman s’appelle « Les infernales » et celui-ci commence par une citation en exergue de Barbey D’Aurevilly. De plus il y a des références implicites à Clouzot dans votre texte. Pourquoi donc avez-vous tenu à ces hommages en filigrane ?

C’est-à-dire que lorsque j’ai apporté mon manuscrit à mon éditeur Jean-Marc Roberts, je suis venu avec mon titre, car je fais toujours mes titres moi-même. Celui-ci lui a plu et je lui ai dit en riant « Les diaboliques » c’était déjà pris ! Ensuite il a vu la citation en exergue et en effet et il n’a pas été étonné. Barbey est l’un de mes écrivains préférés. Le film de Clouzot m’a impressionné et il y a cette ambiance-là, c’est certain, dans le livre dans le sens de l’association infernale qui se sépare et se retrouve. Un jeu de vipères, une manipulation entre une ancienne petite fille et une autre ancienne petite fille qui s’associent dans un jeu particulier avec l’amitié et la littérature en toile de fond.

2. Ce n’est pas une autofiction mais vous semblez être très intime avec cette histoire, il y a, en tout cas, un vrai ton qui vous ressemble ?

Oui, c’est le livre dont le ton me ressemble le plus, je crois. Un ton « lapidaire » avec des phrases longues et courtes mais une écriture que l’on peut dire resserrée, avec son rythme propre. J’ai cette voix-là dans la vie ou disons un timbre très proche.

3. Comment avez-vous imaginé cette histoire ?

Au départ j’avais cette idée de mettre en relation deux personnages, deux filles. Une enfant pub, comme je l’appelle, prodige et une autre qui mettrait plus de temps à triompher, à se réaliser. En fait j’ai découvert cette histoire au fur et à mesure du roman. Je me suis laissée entraîner par l’Ecriture.

4. Le thème récurrent est pour ainsi dire « Le Pouvoir », entre deux filles du même âge au même champ référentiel...

Le pouvoir est LE grand thème de la Littérature. J’ai pris deux filles pour ne pas qu’il y ait de misogynie ou j’invente un mot de « miso-andrie ». J’avais envie de disserter sur cette relation féminine à la manière un peu de certains livres de Marguerite Yourcenar. Je voulais témoigner de la magie, de la complicité un peu surannée et mystérieuse qu’il pouvait y avoir entre deux femmes tout au long d’une vie. Je trouve que c’est toujours plus ambigu avec les personnages du même sexe, et c’est cela qui m’intéressait.

5. On a l’impression d’un jeu interactif avec le lecteur pendant tout le roman. Vous mettez en scène cela avec une écriture très inventive où la parenthèse a un rôle très important par exemple...

J’aime la tension dramatique, suggérer des choses puis me rétracter et emmener le lecteur vers un autre ailleurs. C’est comme dans les films à suspens. L’écriture romanesque permet ces jeux-là que j’affectionne tout particulièrement.

6. Il y a une sorte de Morale particulière derrière toute cette histoire non ?

La morale est immorale évidemment ou plutôt disons que je suis amorale. Car je ne cherche pas à choquer le bourgeois, à inverser la morale, je suis dans carrément autre chose. Et cela se nomme Amoralité.

7. Votre constat sur la célébrité dans le livre est très personnel...

J’aime bien que l’on observe les destins dans leur globalité, sur toute une vie et dans cette histoire d’adolescentes modernes, la mise en lumière, la petite reconnaissance que peut avoir une enfant médiatisée très tôt devient une sorte de mesure du "Sex appeal", j’avais envie de parler de cela.

8. Ce ton "lapidaire", on pourrait dire qu’il marque une distanciation, qu’il est une sorte de bouclier contre le monde non ?

Oui j’utilise cela comme une protection. Ce roman est celui qui est le plus proche de moi, je me suis dédoublée à travers ces deux filles. Je suis Camille et Jessica à la fois. Camille est impérieuse un peu suffisante, elle sait où elle va. J’ai de la tendresse pour Jessica car elle évolue pendant toute cette saga par exemple. On a du mal à choisir entre les deux. L’une n’est pas plus « aimable » que l’autre finalement.

9. Les parents de Jessica, les Tignard sont un horrible archétype...

Ce sont des parents qui veulent absolument le succès pour leur enfant. Ils confondent succès et bonheur. Ils voient le succès comme une assurance infaillible. C’est une grossière erreur évidemment.

10. C’est un vrai tour de force littéraire de suivre deux personnages sur toute une vie...

Oui, c’est la première fois que je parviens à cela et j’en suis très heureuse. De l’enfance à la vieillesse vécue comme une apothéose douce pas une déchéance. C’est une harmonie.

11. Dans ce livre, il s’agit d’une Histoire de filles mais on pourrait dire avec une « écriture couillue... »

J’ai la faiblesse de prendre cela pour un compliment. Cela me plaît qu’on trouve mon écriture virile. Une écriture sèche et sans chichi. Je ne veux pas de pathos ni de « larmoyance ».

12. On sent une vraie fluidité dans le texte pourtant il a été écrit dans une certaine douleur...

Ce livre a été difficile à écrire. Je l’ai fait en trois mois très intenses, sans beaucoup dormir, j’ai retravaillé ensuite la première version. C’était un accouchement très laborieux. J’ai tout donné. J’en suis satisfaite et le prochain est déjà en branle.

13. Quel est votre mot de la fin chère Stéphanie ?

Lisez-moi, volez mon livre. Prenez du plaisir. Le plus grand compliment qu’on pourrait me faire, ce serait que non seulement on le lise une première fois, mais qu’ensuite on le relise...

Lire la critique du dernier livre de Stéphanie Hochet

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