Interview : Karin Clercq

Interview : Karin Clercq

Il y a des jours comme ça où tout va bien. Le soleil brille, la bière est juste à point et plutôt qu’interviewer Chimène Badi on vous propose de rencontrer Karin Clercq. Parce que je n’ai rien contre la première mais qu’est-ce que la seconde me propose en plus qui fera toute la différence ? Disons entre autre : une fine plume, une voix d’ange et de la séduction diaphane. Clercq n’est pas un camion destructeur mais un papillon virevoltant loin au-dessus des autres maîtresses femmes. « Après l’Amour » est un très bel album révélant non pas une dame quelconque marquée de l’X mais bien une jeune princesse sûre d’elle et de son travail (bien fait).

Deux albums tournent sur ma platine en ce moment, celui d’Arcade Fire et le tien ?

Karin Clercq : « Je pourrais pas trop faire l’interview sur l’album d’Arcade Fire (rire)

Donc concentrons nous sur « Après l’amour »... J’aimerais savoir si ta maison est encore à louer ?

Karin Clercq : « C’est une grande question... hé bien non pour le moment elle est prise. J’ai trouvé un locataire charmant mais j’ai beaucoup de demeures près de chez moi qui sont encore à louer... dans une rue sympa avec de beaux jardins, un beau gazon. »

Je voulais te remercier d’avoir évité l’image grossière de la « Neige au grenier mais le feu à la cave » ?

Karin Clercq : (rire) « Y pas de quoi ! »

Tu n’es plus une femme X comme tu le soulignais en titre sur ton premier album, mais bien une artiste reconnue pour son grand talent, est ce que cela a été dur de remettre le couvert pour ce deuxième album ?

Karin Clercq : « Disons qu’au départ tout s’est fait très spontanément. Je travaillais avec un musicien qui était Guillaume Jouan, on a fait ça relax, nous n’avions pas de date limite. C’est après que nous nous sommes dit qu’il serait peut être intéressant de démarcher les maisons de disques. Quand on l’a conçu il n’y avait aucune pression. J’avais beaucoup de matière pour « Femme X », on dit toujours que le premier disque est l’album de l’adolescence. C’est clair que pour le deuxième je me suis demandé si ce n’était pas juste un coup de bol, je me suis angoissée pour savoir si j’avais encore des choses à dire. Mais une fois que les 3 semaines de crise de pages blanches sont passées je me suis lancée dedans sans trop me poser de questions. »

Le premier album parlait du désir féminin est ce qu’« Après l’Amour » est sa suite désenchantée ?

Karin Clercq : « C’est plus un constat du temps qui passe dans une histoire amoureuse. J’ai passé le cap de la trentaine. Autour de moi j’ai énormément de couples qui se sont séparés. J’étais vraiment plongée là dedans de manière très intime. Autant sur « Femme X » je partais de la femme, autant ici j’ai voulu mettre une loupe sur la passion en général mais ce n’est pas toujours désenchanté. La question de la relation, sur sa durée me préoccupe beaucoup. »

La fameuse barrière des 7 ans qui se fait raboter en 7 mois, voir 7 jours ?

Karin Clercq : « Ca se raccourcit de plus en plus (rire)... Il y a même maintenant les 7 minutes pour les couples qui se rencontrent en speed-dating. Je n’ai jamais testé mais cela me paraît terrifiant. »

Est-ce dur d’être aimée véritablement dans la vie privée quand on chante publiquement l’envers du décor ?

Karin Clercq : « Je crois qu’être aimée dans sa vie privée te donne une certaine force qui t’enlève ces couches successives qui sont sur toi en permanence comme une carapace. Cela te permet d’aller vraiment aux émotions que tu essayes de mettre dans tes chansons ou dans toute production artistique. Cela permet de te mettre à nue de manière différente que lorsque tu n’es pas aimée et que tu es seule. Là il y a de l’exorcisme à ta solitude. »

Ce qui est frappant c’est que tu chantes des chansons d’hommes comme « Le Lover » ou la reprise de Moustaki où tu parles de « Sans une fille pour la nuit » ?

Karin Clercq : « J’ai toujours été entourée d’homme, j’aime la sensibilité masculine quand elle se livre de façon brute. Cela me parle de chanter la chanson d’un homme avec mon affectivité féminine. Cela donne un décalage... je trouve que le métissage homme-femme est constructif en musique. »

L’autre particularité frappante c’est que dans beaucoup de chansons tu rends l’amour monnayable « Mon cœur est à vendre » par exemple ?

Karin Clercq : « C’est vraiment l’un des éléments que je n’ai pas pris en compte. Ce n’est pas prémédité. Je m’en rends compte à posteriori. C’est plutôt une allégorie, je ne pense pas qu’on puisse réduire l’amour à quelques billets. C’est ma manière provocatrice de montrer le monde où tout est négociable. »

A l’inverse sur « Je suis à toi » tu envisages l’amour comme un don de soi ?

Karin Clercq : « Un don gratuit sans retour. Rien en échange... sauf une nuit de plaisir. »

Faut-il être à fleur de peau pour exposer ses sentiments sur un disque ?

Karin Clercq : « Un minimum d’impudeur par rapport à soi. Je suis complètement cyclothymique. Je remarque autour de moi les artistes que je rencontre le sont souvent. Je pense qu’un artiste doit être une éponge qui absorbe. Si l’on n’est pas perméable aux émotions qui sont vécues autour de nous comment veux tu que l’on puisse les rendre ? »

Tu exposes naturellement et à vif le diable de la femme : c’est à dire le temps qui passe, as tu peur de vieillir ?

Karin Clercq : « Sincèrement non ! C’est clair que je vois les années qui passent, là j’ai 33 ans mais j’ai l’impression que lorsque l’on avance en âge on va vers plus de sérénité. Je m’imagine très bien en vieille dame avec toute ma famille autour de moi à continuer à faire la fête »

La piste cachée était-elle trop dure pour l’exposer au grand jour ?
Karin Clercq : Ce morceau s’appelle « Taslima », c’est le tout premier morceau que j’ai écrit pour ce nouvel album. Au niveau de l’univers musical il se rattachait beaucoup plus à l’album précédent... on avait du mal à l’intégrer... C’était très important qu’il soit sur le disque. C’est un hommage à Taslima Nasreen et tout compte fait les femmes sont voilées donc je désirais que ce morceau soit caché comme cette femme... Cela prenait un sens certain. J’aime bien qu’il y ait un silence avant de l’entendre car ce titre devait avoir sa place à lui seul, il ne pouvait pas y avoir un morceau avant ou après. Il fallait qu’il soit au milieu d’un silence. »

Cette fois tu as utilisé des textes d’autres personnes pour exposer tes sentiments c’était un coup de cœur pour chacun de ces auteurs qui te ressemblent plus que toi même ?

Karin Clercq : « Oui ! Marceline Desbordes Valmore pour « La Sincère » c’est un auteur que j’ai découvert au conservatoire. Je me suis plongée dans son œuvre, je trouve que c’est une femme qui a une pensée très moderne. La façon dont elle parle de la relation amoureuse est très audacieuse. Elle avait tout à fait sa place sur mon disque. C’était un défi de mettre un poème du XIXème en musique. Pour le Moustaki j’insiste plus par rapport à la légèreté du texte, certains me disent qu’il est très sombre mais au contraire ! il dit d’en profiter car de toute manière chacun est condamné à mourir donc ne passons pas à côté de notre vie. »

Connais tu Cali ? Pour moi il est au masculin ce que tu chantes au féminin ?

Karin Clercq : « Là tu me fais super plaisir. J’adore « L’amour parfait », je l’écoute en boucle. Dans ses textes c’est vrai que lui parle de la relation du point de vue masculin. »

Musicalement on pourrait presque dire que tu navigues sur les plates bandes d’un Tom Waits avec ces rythmiques d’objets ?

Karin Clercq : « On a travaillé avec des bouteilles, des caches pots. Tout ce qui nous passait sous la main. On avait vraiment envie de donner un côté un peu fête foraine, bancale... »

Avez vous avec Guillaume Jouan continué de la même manière vos ping-pong créatifs ?

Karin Clercq : « Non. Sur « Femme X » j’arrivais avec mes textes, il y avait plus de samples, d’éléments rythmiques et d’ambiances sur lesquels on a construit les morceaux. Ici je suis toujours arrivée avec les textes, sans les refrain en général et là on a travaillé uniquement en guitare-voix. Guillaume avait envie de reprendre sa guitare. Cela le démangeait. Au départ les compos étaient plus simples, on a arrangé ensuite... alors que sur Femme X nous avions commencé par ce travail là. »

Tu chantes « Comme une actrice perdue au milieu d’une scène », j’aurais aimé savoir si la musique t’avait en quelque sorte sauvée ?

Karin Clercq : « C’est difficile à dire car les deux sont très différents. La musique permet au milieu d’une scène de n’être jamais seul. Si tu te retrouves avec un trou dans ton texte pour une pièce tu es seule face à toi même. Il n’y a pas ce cocon sur lequel tu peux chanter ‘lalala’ pour meubler (rire). »

Comment vois-tu la scène : comme une actrice qui chante ou comme une chanteuse qui peut jouer un rôle ?
Karin Clercq : « Au départ c’était plus une actrice qui chante mais maintenant je me suis rendu compte qu’il fallait épurer et trouver ma chanteuse. Aujourd’hui j’essaye de garder les éléments positifs de l’actrice tout en essayant d’enlever les costumes de personnages pour être vraiment là, en rapport direct avec le public. »

Si tu devais choisir entre la scène et le studio ?

Karin Clercq : « Je viens des planches. Un studio je savais pas ce que c’était. J’ai découvert un nouveau trac tellement bon ! tu n’as plus un rôle à porter sur tes épaules mais tu dois exposer ta propre personnalité. Je ne pourrais plus m’en passer même si en même temps je me réveille la nuit pour hurler de peur ! (rire) »

Ton enfant est-il content d’entendre sa maman chanter « J’ai attendu » ?

Karin Clercq : « Il adore. C’est sa chanson ! En même temps c’est discret je voulais pas rentrer dans le principe je fais une chanson pour mon enfant pendant 3 minutes qui n’intéresse personne. »

Avec ce disque crois-tu qu’on va enfin arrêter de dire de Guillaume Jouan qu’il est l’ancien acolyte de Miossec mais plutôt le compositeur de Karin Clercq ?

Karin Clercq : « C’est drôle car dernièrement lors d’un concert, sur l’affiche il n’était plus marqué « ancien complice de Miossec »... en même temps c’est normal qu’on le référence à lui car « Boire » et « Baiser » sont des albums cultes. Leur rencontre a été marquante pour tous les deux, maintenant nous on construit une autre aventure d’un autre coté. »

Je ne peux pas ne pas poser ma question en référence au titre alors je me lance : Que fais-tu après l’amour ?

Karin Clercq : « Ca je ne vais pas te répondre (rire). Soit je fais une réponse super crado à la Belge soit je laisse un blanc. C’est marrant car dans le clip de la « Sincère » qui se passe à New-York et qui est l’histoire d’une jeune femme en mal d’amour qui embrasse tous les hommes qu’elle rencontre je n’ai aucune pudeur par rapport à faire ça mais quand ça touche trop à l’intimité là je botte en touche. »

Le site de Karine Clercq
Un site, très bien fichu, de fan de KC

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