Interview : Camille (Prix Constantin 2005)

Interview : Camille (Prix Constantin 2005)

Camille c’est une voix de professionnelle dans un corps de fée. Camille c’est un fil qu’on tire pour découvrir un univers particulier. Camille créait sa ville de ses mains agiles et profite d’un instant de repos pour nous montrer les plans. Il faut la suivre Camille, partout, toujours.
Entretien particulier avec une très jolie brune au caractère bien trempée qui sait ce qu’elle veut.
Camille a reçu des mains d’Alain Bashung, Le Prix Constantin 2005 à l’Olympia.

Pour commencer dois-je employer le you, le vous ou le tu pour m’adresser à Camille ?

Camille : « j’aime mieux le "vous" quand on ne se connaît pas ! c’est plus ludique, et plus respectueux. »

Vous qui aimez Italo Calvino connaissez vous « Si par une nuit d’hiver un voyageur » où l’auteur indique la manière de lire son livre ?

Camille : « Non, j’aimerais bien le lire ! »

Alors dans quelle position faut-il écouter votre nouvel album ?

Camille : « Dans la position qui vous correspond : en faisant le cochon pendu si vous
êtes trapéziste, en 69 si vous êtes deux, assis si vous êtes debout, et debout si vous êtes couché. Ou bien écoutez le dans diverses positions, et observez en quoi cela influence votre écoute. »

Yvette avait des problèmes avec ce satané Si Bémol, quand à vous qu’est ce qui a été difficile pour ce nouvel album ?

Camille : « Cet album n’a pas été difficile pour moi. Il a exigé de la concentration et du travail mais il s’est fait très progressivement, avec beaucoup de plaisir et de curiosité. J’avais un
son très précis en tête, et je me suis entourée de collaborateurs très à l’écoute, et très qualifiés (majiker co arrangeur et co producteur, martin gamet bassiste et Dominique Blanc-Francart mixeur) »

Comment vous est venue cette idée de cette note qui s’éternise presque à l’infini pour suivre vos chansons ?

Camille : « J’ai entendu dire que dans toute pièce, une note résonne mieux que les autres. J’ai entendu dire aussi que la note dominante sur terre est le La. J’ai voulu trouver mon diapason. L’album étant un projet essentiellement vocal, je voulais trouver "ma" note, et rebondir
dessus. La pop musique occidentale n’a jamais utilisé à ma connaissance à l’échelle d’un album ce procédé appelé " basse continue "ou "bourdon" alors que c’est très commun dans la musique indienne ou orientale par exemple. Si l’on prend le "diapason" dans un sens mystique, l’occident a selon moi perdu son diapason collectif. A chacun de trouver son diapason individuel. »

Ce qui est frappant c’est que ce bourdon empêche l’auditeur de se reposer, d’une certaine manière il évite qu’on coupe le fil de vos propos ?

Camille : « Votre remarque est très subjective et c’est cela qui est intéressant. Certes la note lie les morceaux que j’ai conçus comme une suite, une histoire, une
bande originale plutôt que comme une collection de chansons indépendantes.
Mais en même temps, je brouille les pistes, je multiplie les voix et cette
note est aussi celle qui permet de se reposer, de se dire qu’on est toujours
sur le même fleuve, dans la même intimité. C’est toute l’ambivalence du fil,
qui attache en même temps qu’il rassure. »

Dans tes paroles tu sembles dire que la femme doit s’affirmer comme une dominante ?

Camille : « Je pense que mes paroles traduisent un balancement entre le désir d’affirmation et le désir d’abandon, voire de perdition. De plus, je ne tiens absolument pas à tenir un discours sur la femme. C’est qui "la" femme ? en tous les cas, ce n’est pas moi ! »

Parfois aussi vous vous permettez de laisser l’auditeur dans le flou de votre pelote, cette intimité intérieure que vous ne franchissez jamais ?

Camille : « L’intimité est une poupée russe. A chaque fois qu’on l’ouvre un peu plus, on s’aperçoit qu’elle est plus profonde encore. Je crois que l’intimité de se dévoile pas. Elle se
suggère. Elle se dérobe. »

Vous avez toujours recherché de nouvelles perspectives à la chanson populaire, avec « Le Fil » ouvrez carrément une brèche dans quelque chose d’original jamais encore essayé en français, c’était un challenge intéressant ?

Camille : « Pour moi tout langage est imaginaire, il n’est que prétexte à chanter. On l’oublie souvent quand il s’agit de notre langue maternelle car il est trop emprunt de grammaire, de culture, d’histoire. Le français peut être colorié en d’autres couleurs que le bleu, le blanc et le rouge ( N.B : couleurs du drapeau français, mais également du drapeau GB et US !!!.) »

Vous dites que vous avez appris pour désapprendre qu’est ce que cela signifie ?

Camille : « Toute éducation doit donner des outils critiques pour s’en libérer, pour déstructurer ses principes, se les approprier, voire les désapprendre. Je pense que le rôle d’un artiste est d’assimiler les règles pour jouer avec et en inventer d’autres. »

Ce chanteur diphonique que vous avez rencontré vous a t’il fait prendre confiance dans les modulations de votre voix ?

Camille : « J’ai eu un rapport très bref avec ce chanteur. mais ce sont parfois les rapports brefs qui sont les plus inspirants. Il m’a fait prendre conscience de la variété des harmoniques que l’on peut obtenir avec une seule note. Mais j’ai encore beaucoup de travail. »

On pourrait presque toucher le sable d’Afrique avec cette façon de chanter ?

Camille : « Une Afrique imaginaire alors. »

Est-ce la collaboration avec Magic Malik qui se fait ressentir ?

Camille : « Le morceau "Senza" est un morceau inspiré d’une improvisation de Malik sur
une Senza. cependant la musique de malik est trop métissée voire constellée pour être qualifiée d’africaine. Disons que j’aime sa démarche iconoclaste, mélange de minimalisme et de psychédélisme, de musique populaire et de musique expérimentale. »

Qu’est-ce que cette guitare à l’élastique dont joue Sébastien Martel sur votre album ?

Camille : « Il faut le voir pour comprendre ! Sébastien tend un élastique en travers des cordes et joue avec... et ça fait un bruit bizarre ! »

Contrairement à votre premier album, celui-ci explore une voie bien particulière sans éclater les genres ?

Camille : « Je pense que cet album explore les genres comme le premier mais plutôt que des les explorer dans une esthétique de patchwork, il cherche à les lier, à les mélanger, à les faire se correspondre. »

Est-ce que le « Médulla » de Bjork vous a inspiré pour votre propre album ?

Camille : « Non ! j’ai appris sa sortie et son concept alors que je mixais le mien ! je trouve intéressant que la voix et le corps soit au centre des préoccupations de cette artiste passionnante. Je pense que nous sommes dans une société tertiarisée où l’on a besoin de se réapproprier le corps, soit en le transformant, soit en tant que seule matière brute à laquelle on ait accès ! Bjork célèbre la voix en invitant d’autres chanteurs et fait intervenir l’informatique comme transformateur créatif du son. Personnellement, je cherche à explorer ma voix, dans sa multiplicité et dans son organicité. Mon corps est mon ordinateur. »

Comment allez-vous faire pour chanter sur scène toutes « vos voix » qui sont déclinées sur l’album ?

Camille : « Vous verrez en venant au Concert ! »

Finalement serez-vous nue si l’on tire ce fil d’Ariane jusqu’à ce que l’on tombe sur votre corps ?

Camille : « Le fil est invisible ! ! »

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