Interview : PAZ

Interview : PAZ

La révolution que provoque actuellement en France ce jeune garçon cubain mérite toute notre attention. Alors que bien souvent les rythmes latino sont, soit joués par des vieux papis gribouilles au cigare fumant, soit par « des guitares » morphologiquement typées Jennifer Lopez, il reste dans cette région un petit chevalier blanc aux cheveux bouclés qui fait de la musique pour le plaisir de faire danser. Exilé volontaire sur Paris, rencontre avec le Goran Bregovic d’Amérique du sud.

Appeler votre nouvel album « Révolucion » (avec le C cubain) c’était un cri de votre enfance ?

Raul Paz : « C’est un cri de l’intérieur de moi. C’est la révolution de pouvoir dire ce que tu veux sans contrainte. Là mon disque s’est fait dans la même optique. Je l’avais déjà fait avec « Mulata » et celui là n’est que la confirmation. Ce n’est pas évident de faire ce que l’on veut dans ce métier. C’est la continuité, une ré-affirmation de ce que je voulais faire. »

L’album sonne plus pop que les précédents ?

Raul Paz : « Cela ne m’inquiète pas ou ne me réjouis pas. La seule chose importante c’est d’être honnête avec moi même. Ce disque est la somme de mes origines et de mes voyages. Le mixage de toutes ces cultures qui se sont faites miennes. Ce qui est marrant c’est que les cubains trouvent qu’il sonne comme à la maison. Finalement je n’ai rien contre le mot « pop » car la musique que l’on fait chez moi c’est de la musique populaire. »

Faut-il que vos chansons fassent danser pour qu’elles soient à vos yeux de bonnes chansons ?

Raul Paz : « Non je ne pense pas mais en même temps c’est quelque chose qui est en nous à Cuba. La danse est synonyme de fête, de samedi soir. La danse chez nous c’est la vie. Mais quand tu prends mon disque tu vois qu’il y a ce voyage entre la nostalgie, les chansons douces et un peu plus lymphatiques, pour parfois exploser en bougeant beaucoup. Tout ça c’est cuba, tout ça c’est moi même. On passe souvent du rire aux pleurs chez nous. »

Votre musique ressemble beaucoup à celle que peut jouer quelqu’un comme Goran Bregovic exilé lui aussi de son pays d’origine et voyageur éternel ?

Raul Paz : « La musique cubaine est ce qu’elle est car elle a su se mélanger. J’en souffre parfois car je rencontre des puristes qui ne veulent pas qu’on touche aux lois sacrées. La grande musique cubaine des années 50 avec comme exemple le Social Club, c’était grandiose car c’était une musique très mélangée : ils prenaient des choses de partout et l’intégraient à une base. Sur le socle du mambo on mariait un big band américain pour en faire le rock n’roll de Cuba. Je ne fais que suivre l’exemple de mes maîtres en mélangeant encore les peuples, les cultures... »

Votre musique semble vivre sans obligation de devoir comprendre vos textes ?

Raul Paz : « Au début j’étais un peu inquiet car je cherche à dire des choses dans mes chansons. Je n’ai pas la prétention de vouloir raconter des faits très importants mais je tenais à ce que mes textes soient aussi importants que mes musiques. Bizarrement mon public français ne comprend pas tout ce que je chante mais reconnais le sentiment qui se dégage de mes titres, l’atmosphère. La musique communique pour elle même. Dernièrement j’étais enchanté de voir que les gens qui venaient me voir sur scène chantaient les chansons de manière phonétique. »

Quand vous chantez on ressent un réel plaisir ?

Raul Paz : « C’est capital ! La seule consigne que je donne à mes musiciens c’est qu’ils s’éclatent et donnent de la joie. Idem 2 secondes avant de rentrer sur scène. Que ce soit sur disque ou en concert les gens payent pour entendre, voir quelque chose de bon, le but de chaque artiste c’est d’offrir le meilleur de soi même. »

Le studio où vous avez enregistré a toute une histoire derrière lui, sentez vous une âme protectrice lorsque vous êtes dans ce lieu ?

Raul Paz : « Oui. C’était une protection pour exposer ma culture. Je devais partir de là pour mes titres quitte après à les habiller comme je le voulais. C’est pour cela que j’ai souhaité enregistré « Révolucion » à Cuba car il y a certains sons comme la trompette ou les percutions qui sont uniques. C’est un mélange de vieux et de nouveaux sons, de rhume et de cigares. »

Etre artiste sousle régime castriste est-ce facile à vivre ?

Raul Paz : « C’est très compliqué de répondre. Je pourrais autant vous répondre oui que non. Il y a certaines choses dans mon cas d’artiste qu’on ne trouve nulle part ailleurs. Ici en France vous avez un régime particulier qui est différent à Cuba, que je qualifierais plus de protection. Après outre les problèmes politiques ce qui est difficile c’est l’isolement culturel. Finalement tu te rends comptes que le pays musicalement parlant c’est éloigné du chemin qu’il devait prendre dans la musique internationale. C’est très ambigu.... »

Les détracteurs de Fidele Castro disent qu’il a mis votre pays dans la misère totale et ses défenseurs disent qu’ils n’ont jamais vu un régime prendre autant soin de la culture de ses habitants et que votre système médical est le meilleur du monde, que pouvez vous dire vous qui êtes directement concerné ?

Raul Paz : « Il y a de très bonnes choses et de très mauvaises choses. Depuis quelques années avec la médiatisation des papis du Social Club nous pouvons à nouveau ouvrir d’une certaine manières nos portes à l’extérieur. Il faut arrêter le cliché « Cuba c’est noir ou blanc, pour ou contre ». Je pense que ceux qui aiment ce peuple formidable doivent parler, de trouver une solution sans chercher à appartenir à un camp ou à l’autre. Nous sommes cette nouvelle génération qui est là pour ça. La politique ne m’intéresse pas plus que ça mais je tiens à montrer une image de mon pays qui soit juste. Pour aller en avant. »

Quel changement s’est opéré en vous lorsque vous avez débarqué à Paris ?

Raul Paz : « En premier : ma façon de parler (rire). Moi qui vient d’une formation classique c’était important de comprendre le pourquoi du comment de cette musique et c’est sur votre gros continent que je l’ai trouvé. J’ai aussi appris à connaître ce grand nom qu’est la démocratie. »

Pensez-vous un jour franchir la barrière et composer en français ?

Raul Paz : « Ca fait longtemps que cela me trotte dans la tête. Je ne voudrais pas le faire de manière opportuniste. Quand on parle la langue d’un peuple, il faut pouvoir le dire sincèrement sans réfléchir, le français rentre doucement dans ma tête. Je suis un fou des choses qui viennent vraiment du cœur. »

Vous aviez une carrière toute tracée aux USA, mais vous avez décidé de faire une pause, avez-vous l’intention de retenter l’aventure là-bas ?

Raul Paz : « Je suis très têtu alors oui ! Un jour je retournerais là-bas. C’était assez naturel pour un cubain d’aller tenter sa chance aux Etats-Unis. Mais la différence avec la France c’est qu’ici les gens de chez Naïve m’ont proposé de faire ce que je désirais faire et pas seulement donner des tubes aux radios FM. Comme « Mulata » a très bien marché j’ai décidé de poursuivre l’aventure ici aussitôt car la France me correspond beaucoup plus que les US. »

Alferdo Arias vous a confié un rôle phare de sa nouvelle comédie musicale, qu’est ce que cela vous a fait d’être choisi par ce monstre du spectacle ?

Raul Paz : « J’ai eu la chance effectivement d’être appelé par Alferdo pour une comédie-musicale assez controversée mais excellente, cela me permet de revenir à mes début lorsque je faisais du théâtre ou du cinéma. C’était très intéressant parce qu’avec ce rôle j’étais utilisé, transporté dans un univers qui n’est pas le mien, à jouer un personnage qui ne m’appartient pas. »

Si Jenny Lopez vient vous demander un duo latino vous acceptez ?

Raul Paz : « Avec plaisir ! (rire) C’est une grande artiste. Je ne pense pas que cela va arriver mais pourquoi pas. Si d’ailleurs vous la connaissez vous pouvez dire que je postule pour le poste ! »