Lyzane Potvin : le théâtre des boucheries

Lyzane Potvin : le théâtre des boucheries

Peintures d’ogresse sanguinolente, collages monstrueux de femelles qui s’exposent, s’exhibent, se mettent en scène dans des rêves d’enfance décapitée. Filles en rouge et noir qui saignent et se mutilent sans se plaindre. Dans ses métaphores à jeu égal entre la beauté et la cruauté, et ses allitérations pourpres, Lyzane Poitvin crucifie un monde infernal, fort et insupportable sur l’autel des tragédies humaines tout en trucidant les idées reçues.
L’Art prend sa naissance dans le sang versé, dans le drame intérieur, les personnages de Lyzane Potvin portent dans leurs chairs tous les stigmates du monde.

On touche du doigt les écoulements, on assiste à la gangrène des sentiments. On ne sait pas bien se positionner devant ces inserts suintants et c’est tant mieux car il ne faut ni juger, ni cracher, ni rejeter ces scènes de vies écorchées, il faut juste voir au-delà des symboles et des ablations.

Nous sommes pris au piège, confrontés à notre histoire la plus refoulée, les témoins du spectacle des barbaries. Lyzane mène la danse entre baroque et trash, entre l’intime, le macro et le micro et une mémoire collective universelle qui ramène au placenta et à la Matrice. Pourtant rien n’est gratuit, tout donne du sens, chaque tableau est un morceau du puzzle d’une réflexion séculaire sur la création vue par la femme.

Des poupées désarticulées perdent les eaux, s’écorchent les mains, les pieds et le reste. Des femmes nous regardent et nous interrogent du plus profond de notre passé intra et extra utérin, par où tout a commencé.

Excision de la douleur, mise en parallèle des souffrances, jubilation vers l’inacceptable vécu sous anesthésie, chaperons rouges décortiqués qui sèchent au soleil, catharsis moderne et sexuée des états de fille.

Dans l’univers de Lyzane on boit, on bouffe, on enfante, on se touche la vulve avec un naturel déconcertant, l’existence est un immense menstruation dont il faut accepter les poussées volcaniques. La femme est victime, objet, épicentre des malheurs et des dualités. Mère, femme, sœur, amante, maîtresse, fille rêveuse, assassine, putain sublime, déchéance imbibée d’alcool, beauté insolente qu’on bâillonne, qu’on asservit, qu’on défigure et qu’on enlaidit.

Dans ce champ lexical du rouge, on évoque finalement davantage la vie que la mort, on montre et démontre sans faux semblant la crudité des sexes, le big bang des comportements immémoriaux. La douleur terrible de naître au monde.

Les filles de Lyzane Poitvin lèchent les plaies d’une humanité bafouée. Son oeuvre est un témoignage rare et précieux.

Le site de Lyzan Potvin

Excellente interview de l’artiste

Le site de Lyzan Potvin

Excellente interview de l’artiste