Ce soir, je t’écris ce mail pour te tenir informée du grand bouleversement qui vient de se produire dans ma vie. Oh ne t’inquiètes pas, je suis en parfaite santé. Rien de grave. Juste quelque chose d’assez important pour que je préfère l’écriture au téléphone.

Tu ne vas pas en croire tes yeux. Jules m’a demandé en mariage. Oui Madame ! J’imagine déjà le faire-part :

Mademoiselle Hortense du Prez et Monsieur Jules de Passage
vous convient
à leur mariage
qui se déroulera
Le 16 juin à 11h00
en la Mairie de Paris 3ème

Qui croirait à cette annonce ?

J’en suis toute bouleversée. Mais je n’ai pas encore donné ma réponse définitive. J’ai posé beaucoup de conditions. Et puis, pourquoi se marier ? Cherche-t-il, tout d’un coup, la stabilité, la sécurité. Veut-il m’enfermer dans une cage. Dorée certes, mais une cage quand même. Tu connais mon attachement à la liberté. Tout du moins, au sentiment de liberté. J’ai toujours eu horreur des contraintes. Tu comprends, tant que nous ne sommes pas mariés, il sait que je peux lui claquer dans les mains du jour au lendemain. Hortense est là ce matin . On la contrarie et hop Hortense nous fait un voyage sans retour l’après-midi. Avoue que cela met du piquant dans le quotidien. Je sais très bien que c’est valable pour mon Jules aussi. Non, vraiment je ne comprends pas pourquoi il veut se marier. Il dit qu’il veut juste rigoler avec ses vieux potes. Leurs faire une blague. Ils lui ont toujours demandé : A quand le grand banquet ? Maintenant qu’ils ne posent plus la question, il a envie de les surprendre.

Moi, vois-tu, le mariage me fait quand même un peu peur. Une fois la fête finie, on se regardera les yeux dans les yeux, assis l’un en face de l’autre dans la cuisine. Et on se dira, passe-moi le pain ! Et bien moi je trouve que le « passe-moi le pain » en dehors du mariage, c’est moins ravageur pour l’amour. J’ai peur de me laisser aller, sans y prendre garde. Le matin, je me mets de la crème sur le visage, je coiffe mes cheveux en me demandant, avec une petite pointe d’inquiétude, si ça lui plaira.

L’amour c’est tout simple en fait. C’est tous les petits efforts que l’on fait pour l’autre, pour lui plaire, pour qu’il soit heureux. C’est une chose sérieuse l’amour. Pas besoin de grande déclaration, ni de grand voyage pour se dire je t’aime. Pas besoin de gros bouquet de fleur. Enfin, un de temps en temps me ferait bien plaisir. Mais je ne lui dis rien. Il serait capable de me répondre que les fleurs ça fane. J’ai ma susceptibilité quand même !

Ca fait deux mois que je le fais attendre pour la réponse. Et oui, il faut savoir se faire désirer.

Ce matin, j’ai eu une très belle idée. Je lui ai dit que je lui dirai oui à une condition. Que l’on se marie tous les deux en blanc. Il m’a dit « Mais qu’est-ce que c’est que ces idées ? Se marier en blanc ! Tu crois que tu as vingt ans et que t’es toute neuve ?

Je l’ai regardé avec tendresse mon Jules et je lui ai dit que oui j’étais toute neuve et lui aussi mais qu’il ne s’en était même pas aperçu. Cela fait longtemps que nos corps ont oublié les ébats de l’amour. C’est peut-être pour cela, au fond, qu’il veut m’épouser. Il a baissé ses jolis yeux. Il avait l’air tout malheureux, tout perdu mon Jule. Je l’ai pris dans mes bras avec tout mon amour. Je lui ai dit « Mon Jules, nous avons tous les deux 80 ans ».

Nous sommes vieux maintenant. C’est une très belle idée ce mariage. Mais je voulais simplement m’assurer que tu voulais vraiment m’épouser par amour. Nous nous marierons en blanc parce que nous sommes neufs devant la vieillesse que nous n’avons pas vu arriver. Il y aura nos enfants, nos petits-enfants et tes potes, mon Jules. Alors laisse passer la nuit. Et demain ? Tu me rendras réponse.

Si je t’écris ce soir, Marie, c’est que nous nous connaissons depuis tant d’années que je voudrais choisir ma robe de mariée avec toi. J’attends ton mail Marie. Je suis si heureuse de l’épouser mon Jules.

A bientôt Marie. Réponds-moi vite.

Hortense