La nostalgie du vieux pain

La nostalgie du vieux pain

Cette fois,un pigeon s’est posé sur le rebord de
notre fenêtre.
Un être voyageur, que le pigeon... capable de faire le tour du monde d’un coup d’aile ! Mais qui n’aime rien tant que rentrer à la maison, raconter aux siens les secrets de ses périlleuses aventures qu’il tient écrits, roulés autour de sa patte. Tel un journaliste de retour de grand reportage...

Celui-ci vient de Paris, il s’appelle Ange. Un vrai prénom de pigeon... Je me suis d’abord demandé ce qu’il venait faire sur ce rebord de notre fenêtre... où il n’avait jusqu’à présent pas ses habitudes. Le premier jour, j’ai essayé de l’attraper, d’un coup de gueule.

Instinctivement, comme d’un gibier ! Mais les huisseries ne sont pas à la hauteur des vingt centimètres au garrot d’un bâtard de teckel. J’eus beau sauter ! Las ! Ne pouvant l’atteindre, à force de guetter en vain qu’il condescende de son perchoir...

J’ai fini par m’attacher à l’oiseau, suffisamment pour
sympathiser. Même si ne nous croyons pas de la même race, puisque je suis roux et lui, gris. Nous devisons de longs moments, en bonne intelligence entre animaux qui parlent.

Il nichait jusqu’à récemment au sixième étage d’un immeuble ancien, sous les toits de Paris, une bonne adresse connue des oiseaux. Vivait là une jeune femme qui sur son balconnet entretenait toute une colonie de ses congénères emplumés. Comme dans une chanson de J-J Goldman, elle n’économisait pas son vieux pain pour attirer les moineaux, les pigeons... qui tenaient ici salon. Il y avait du monde au balcon ! - c’est une expression que m’a apprise mon maître, qui n’a pourtant rien d’un ornithologue...

Et puis, il y a une saison de cela, la jeune femme de l’appartement a migré. Sans retour, pour l’instant.

Ca s’est vite su, dans ce quartier de Paris. Les volatiles ont déserté. Ange a repris la route avec les beaux jours, décidé à voler au petit bonheur la chance vers de nouveaux horizons. Ce matin-là, alors qu’il quittait la capitale, filant dans le ciel, il vit soudain face à lui la jeune femme, souriante comme il y a peu à son balcon. Il se précipita... et évita de peu de s’écraser sur ce qui n’était qu’un portrait géant.

Dressé tel un monument place de la République...
Un autre matin, perché sur une balustrade inconnue le temps de reprendre son souffle, il la revit prisonnière de cet étrange aquarium où se succédaient les images bruyantes qui lui apprirent la vérité sur la captivité de Florence Aubenas. C’était donc le nom de cette jeune femme, humaine comme l’aiment les animaux et détestent les hommes bêtes.

Un soir enfin, Ange se posa sur le rebord de notre fenêtre, pour se coucher avec le soleil de Marseille.

Il y attend toujours..., ensemble nous écoutons la radio de mon maître, en quête de nouvelles. Ange veut croire... et je veux croire aux anges, pour ceux qui le méritent.

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