Diable de femme

Diable de femme

D’abord il y a de l’intemporalité en cascades ; de sang, de sperme, de cyprine, d’urine, de merde et d’égorgements volontaires de notre confort de regard.
Puis il y a de la fornication, de la frénésie, des secrétions mêlées en un balai fantasmé, des suçages de bites, des léchages de vulves, des violences incontrôlables qui mènent à des petites ou grandes morts..
La vie est un combat permanent à l’esthétisme torve. L’univers visible nous fait vomir, bander ou nous fait chier.
« Satan m’habite » est un bain de jouvence purulent, anachronique dans lequel on ne se baigne pas mais où l’on se vautre comme un gros animal qui mange, qui défèque, qui pisse et qui écarte les cuisses.

L’univers des comportements est une fange habitée par des créatures de l’atroce. Un monde parallèle qui nous ressemble quoi qu’on n’en dise, quoi qu’on le refoule au plus profond des entrailles de la pensée.

Evoquons aussi ces couleurs ternes, ces images terrifiantes et belles qu’on croirait tout droit sorties des bas fonds de nos cauchemars originels. Chaque tableau est une aventure hors limite, un voyage défendu au pays qui dénonce plus l’abject qu’il ne s’en glorifie.
Tout est possible dans ces irréalités plurielles, toutes mes métamorphoses, tous les gestes, tous les parricides de ses pères, de ses mères, de ses enfants ou de ses proches.

« Satan m’habite » est un cunnilingus dans le trou béant du désespoir, un coït dans les abîmes de notre histoire intime. N’est scandaleux que ce qui nous met en péril dans nos illusions savamment légitimées par la bonne morale bourgeoise.

Ce que l’on qualifie de dérangeant, d’inacceptable, de sale ou de tendancieux n’est qu’une sonnette d’alarme pour réveiller un peuple endormi.
Les peintures d’Anne Van der Linden sont des révolutions progressistes dans la réalité cosmogonique de l’inconscient.

Le monde est une douleur, une éjaculation honteuse, une branlette du dernier espoir. Le monde est une terreur picturale envahie de monstres improbables que l’on peut voir dans chacun de nos miroirs si l’on accepte encore un fond de lucidité en soi.

L’œil d’AVDL est une focale « difformante » à l’énergie pure, ni sacrificielle, ni culpabilisatrice. Elle est, elle trône sans délivrer aucun message, c’est à nous de faire l’effort d’une lecture, d’un parti pris, d’une audace dans la réception de l’oeuvre.

Le monde disparaîtra dans une immense partouze décadente, mêlée de fièvre, de désirs assouvis ou avortés. ADVL ne fait que précéder ce moment historique programmé.

Les peintures d’Anne van der Linden sont un défoulement qui combattra l’hypocrisie moderne jusqu’au dernier souffle, jusqu’au dernier coup de pinceau posé sur la toile en souffrance.

Enlève la crasse devant tes yeux, les transgressions d’Anne van der Linden t’emmèneront dans les annales de la plus forte des poésies objectales.

ADVL donne vie à ses rêves et à ses cauchemars, elle alimente nos vies passives d’un spectacle insupportable, écœurant et édifiant, beau et sincère, elle nous donne rendez-vous avec nous-mêmes.

"Satan m’habite", Anne Van der Linden, Editions RAGAGE, Préface de Charles Pennequin, 70 pages, 17,50 euros.

"Satan m’habite", Anne Van der Linden, Editions RAGAGE, Préface de Charles Pennequin, 70 pages, 17,50 euros.