A mes détracteurs historiquement corrects

(Réponse faite à mes divers détracteurs ayant répondu en privé ou en public avec les arguments sottement officiels au texte intitulé "Les vents de l’Histoire" :)

Visiblement mon discours vous a dépassé. Vous n’avez rien compris à mon propos qui n’est nullement de dénigrer les Américains (ni de faire de l’anti-américanisme primaire), mais plutôt de faire le procès de la pensée consistant à croire que ces derniers furent la solution à tous nos problèmes.

Je dis notamment que les libérateurs américains ne furent libérateurs que parce que le nazisme menaça le monde. Sans les nazis, plus de héros américains.

Je dis surtout que sans les conditions qui ont fait apparaître le bras armé du nazisme (sur-armement des peuples belliqueux, sacralisation des armées, industrie martiale à l’échelle mondiale), le Débarquement n’auraient pas eu lieu pour la raison que le monde ne se serait pas embrasé. Nous sommes TOUS responsables, simples citoyens comme dirigeants élus par ces derniers, des malheurs du monde.

Celui qui par coupable silence ou par docilité citoyenne finance indirectement les guerres avec l’argent de ses impôts (servant à la fabrication des armes, entre autres), celui qui par son vote élit des dictateurs, des coqs belliqueux ou des Ubu est responsable des malheurs du monde, responsable des guerres commises (qui par définition sont toutes des crimes contre l’Humanité), même si sa responsabilité se fait à une minuscule échelle.

La responsabilité du citoyen dit honnête, même lorsqu’elle est diluée dans la masse, est effective, réelle, concrète. Tous les citoyens libres et adultes sont responsables des injustices commises par leurs dirigeants. Commençons par cesser de sacraliser la guerre, de sacraliser les libérateurs américains (j’insiste lourdement : libérateurs et oppresseurs font partie du même jeu d’échec martial composant le monde), de sacraliser les morts au combat, de sacraliser la défense de la Patrie, même lorsqu’elle paraît juste, et cela contribuera a faire reculer guerres, injustices, bêtise mondiale, avec toutes les horreurs qui en découlent.

Le message pacifiste est aussi simple que cela, même s’il est blessant pour certaines vanités. Même si la conquête de la paix offense la sensibilité des enfants de Mars faisant carrière dans l’Armée, même si elle ne ménage pas la susceptibilité de quelques guerriers convaincus, même si elle déshonore l’image de quelques millions de combattants tombés au "Champ d’Honneur" comme on dit, même si elle cabosse quelques statues bien boulonnées de nos temporels empires, ou encore qu’elle égratigne certains monuments trônant au bout de nos avenues... Quelle importance ?

La paix n’ayant pas de prix, elle doit triompher de toutes les autres valeurs martiales.

La remise en question de nos petites certitudes patriotiques ou le fait de maudire ouvertement la guerre et les monuments qui lui sont dédiés (comme je le fais ici) n’ont encore jamais tué personne, que je sache. Alors que la guerre quant à elle, est réellement mortifère : non seulement elle tue par millions, mais elle défigure, ampute, déchiquète, afflige, appauvrit terres et âmes, brûle peaux et consciences. La conquête de la paix vaut bien quelques froissements de médailles. La guerre a déjà fait beaucoup trop de victimes sur Terre pour qu’on continue à lui donner ce lustre qu’elle ne mérite pas.

Faisons sans vergogne reculer la guerre, et surtout par les moyens vexatoires ici initiés. De la même manière que les militaires s’adonnent sans scrupule au jeu martial, n’ayons pas de scrupule pour la cause qui nous est chère, nous les anti-militaristes : osons défendre nos aspirations humanistes. Changeons les règles du jeu mondial et historique : désacralisons les valeurs qui depuis des siècles ont semé la folie chez nos ancêtres au point d’aller patauger, se faire éventrer dans la boue des tranchées, entre autres actes d’héroïsme sinistres. Désacralisons ces valeurs, ces monuments, ces héros incarnant tant d’abominations.

Et tant pis pour les nostalgiques, les tenants de l’ordre archaïque, inique de ce monde.