La mort de l’ourse Cannelle

Réponse à une détractrice me reprochant ma prise de position "odieuse" à propos de la mort de l’ourse Cannelle.Vous interprétez à outrance mon message. J’ai dit en d’autres termes qu’un ours de plus ou de moins dans les Pyrénées, quelle importance au regard de l’écologie planétaire ? Le problème est plus dans votre tête conditionnée par l’air du temps, réglée sur des valeurs à la mode, que sur le terrain.

Mes arguments sont simples : pendant un siècle la Terre a fort bien tourné sans les ours dans les Pyrénées. Je ne vois pas en quoi l’absence de ce prédateur a empêché les gens et les autres animaux de vivre . Au contraire. Combien de vies humaines ont ainsi été épargnées dans les Pyrénées depuis la disparition de l’ours ? L’avantage de sa disparition est réel, tout comme est réel l’avantage de la disparition du loup de la totalité de notre territoire.

Bref, un siècle après la disparition de l’ours des Pyrénées l’Homme a voulu le réintroduire dans son ancien habitat et ce fut un total échec. Et soudain, à en croire les écologistes, cet échec c’est une sorte de fin du monde, là en 2004, juste parce qu’une ourse n’a pas survécu à sa nouvelle condition d’animal sauvage ! (Entre parenthèse remarquons que cette liberté d’artifice l’a tuée, alors que la cage l’aurait sauvée.) Bref, il paraît d’après les écologistes que c’est une catastrophe... Allez donc dire ça aux gens qui meurent de faim dans les pays pauvres ! Soyons sérieux, et surtout faisons preuve de décence car les vraies catastrophes sont ailleurs en vérité.

Pendant un siècle il n’y a pas eu d’ours dans les Pyrénées, vous l’avez vu passer vous, cette précédente catastrophe longue de un siècle ? Je ne suis pas anti-écologiste comme vous le pensez, bien au contraire. Seulement je défends les vraies causes écologiques sans me ranger aux côtés de ces parisiens épris de jolis sentiments par pure sensiblerie, qui pensent avec les fibres les plus fragiles, les plus ineptes de leur coeur citadin, incapables qu’ils sont d’analyser les situations sur le terrain.

Vous vous lamentez sur le sort de l’ourse Cannelle tuée de manière folklorique, anecdotique par un chasseur, tombée proprement, nettement sous ses balles, mais je ne vous entends nullement élever la voix contre le sort des millions d’animaux que nous torturons industriellement, que nous massacrons sans aucune pitié dans les abattoirs, qui sont de véritables camps d’exterminations pour volailles, ovins, porcins, bovins, lieux absolument indignes de gens civilisés ! Et tout ça au nom de nos estomacs de nantis infoutus de s’abstenir d’ingérer de la viande alors que l’homme peut vivre en bien meilleure santé en remplaçant la viande par des protéines issues de produits non carnés (laitages, végétaux, oeufs, poissons).

Il n’y a pas de progrès véritable sans rupture avec ce genre d’habitudes ancestrales. Y avez-vous seulement songé ? Le problème de votre ours des Pyrénées a surtout valeur de symbole. Dans les faits, l’ours est un problème insignifiant. Au regard des abattoirs qui sont des lieux d’abomination extrême mettant fin à l’existence de millions d’animaux élevés en batteries dans le pire des cas, la mort de l’ours des Pyrénées n’émeut que les parisiens carnassiers au coeur de porcelaine.

Le comble en ce cas, c’est de se désoler avec des trémolos dans la voix et la bouche pleine au sujet de la disparition de l’ours des Pyrénées. Se désoler du sort de l’ourse tuée en plein dîner, autour d’un gigot d’agneau ou un d’un pot-au-feu, quelle ironie !

Avant de vouloir faire évoluer les mentalités en visant les sommets, commencez par le bas. Allez d’abord répandre l’idée autour de vous que les abattoirs industriels sont des abominations, au lieu d’aller stérilement voler au secours d’un individu dont l’espèce est de toute façon en voix d’extinction. Si vous ne l’êtes pas encore, faites-vous donc végétarienne et allez militer avec fruit pour l’abolition des abattoirs, allez manifester contre la puissante institution bouchère. Là vous serez crédible, là vous serez héroïque, là vous ne serez pas vaine. Laissez donc de côté votre ourse et allez sans tarder visiter les abattoirs, les boucheries industrielles et même artisanales.

Vous relativiserez la mort de l’ours Cannelle.

Je ne suis pas animé comme vous par la sensiblerie citadine mais par de vrais sentiments de justice, par une pensée lucide, pénétrante des problèmes liés à l’écologie, à nos rapport avec la gent animale. Imaginez que l’espèce en voie d’extinction réintroduite dans son ancien élément naturel ne fût pas l’ours des Pyrénées mais le mulot commun de nos plaines...

Monteriez-vous ainsi au créneau pour défendre ce minuscule rongeur ? Lui n’a pas l’avantage, au contraire de l’ours, d’être gros donc visible à l’échelle humaine, et surtout il n’inspire pas le même degré de sympathie chez les humains, ce qui est un facteur parfaitement arbitraire donc injuste, ne trouvez-vous pas ? L’ours a pour lui d’être gros et touchant. Il a ses doubles en peluche dans notre mémoire collective. Le mulot lui n’a pas cette place de choix dans le coeur des hommes. Abolissons d’abord ce genre de privilèges accordés aux animaux, rendons-les égaux devant la souffrance qu’on leur inflige, ensuite vous pourrez me reparler de votre ours des Pyrénées.