1. Bonjour Djief. Vos BD en flash sont de véritables court métrages interactifs de haute tenue, combien de temps cela prend de faire un de ces superbes films ?
Bonjour !
Tout dépend du projet. Par exemple, j’ai mis sur « L’oreille coupée » pas moins de cinq mois d’énergie à temps perdu, incluant le découpage technique, la recherche graphique, la réalisation des dessins, la coloration, le choix et la recherche musicale et finalement l’intégration en Flash. Réalisée sur un scénario d’André-Philippe Côté, ce récit devait être à l’origine une BD traditionnelle sur papier. Tout comme « Poil de carotte » (qui a aussi été écrite par Côté) j’ai dû passer à peu près le même temps.
Un plus petit projet comme « Coup de pub avec le menou » n’a nécessité que quelques jours. Ce petit gag avait déjà été réalisé en 3 ou 4 strips de bande dessinée et je l’ai adapté en interactif pour le simple plaisir.
2. Il faudrait un festival de Cannes des réalisations En flash car c’est vraiment devenu un vecteur de l’art à part entière non ?
Bien franchement, je ne sais trop où en est rendu ce médium à l’heure actuel (ma dernière réalisation Flash personnel remonte à 2002, je suis plutôt tourné vers la bande dessinée classique maintenant)
Mais en effet, beaucoup de boîtes de production utilisent Flash pour réaliser des courts métrages animés et quelque fois des récits interactifs.
Quand je travaillais chez Sarbakan une boîte spécialisée dans la production avec la technologie Flash, nous avions surtout comme mandat de développer des jeux avec cette plateforme et vraiment peu d’animation. Comme ces productions demandent soit une équipe ou soit beaucoup de temps devant soit, mais définitivement de bonnes sommes d’argent, personne n’était prêt à investir dans ce type de production interactif. Surtout quand il n’y a pas vraiment de possibilité de retour sur l’investissement à l’autre bout...
Alors, sans doute qu’un évènement hautement médiatisé viendrait galvaniser l’intérêt de certains investisseurs et créerait un effet d’entraînement positif.
3. Que faisiez-vous avant de nous offrir ces merveilles sur le web, vous griffonniez tout seul dans votre coin ?
J’ai œuvré pendant longtemps dans les domaines de l’animation 3D et la production vidéo puis comme designer de jeux vidéo Playstation et Internet. Parallèlement, j’ai toujours eu un faible pour la bande dessinée que j’ai réalisée en dilettante pendant plusieurs années. Puis aujourd’hui je travaille sur deux fronts pour me bâtir une carrière d’auteur bd, aux USA par le biais du studio Grafiksismik avec la sortie prochaine d’une série intitulée « The Grimoire » et en Europe avec de courts récits diffusés dans le Magazine Spirou et quelques projets plus ambitieux mais en attente d’acceptation... Suspense !
4. Il y a vraiment une patte "Djief" mais comment la définir exactement ?
Comme je vis au Québec, en Canada, je suis au carrefour des influences américaines et européennes. Alors pour les américains j’ai une patte graphique européenne et pour les européen, un petit côté amérloque... Je suis donc, une drôle de synthèse de ces influences. Je n’en fait pas une crise existentielle ne vous inquiétez pas, mais je dois vous avouer que c’est plutôt difficile de se sentir compris dans ces circonstances, snif, snif ! (bruit de trompette dans un mouchoir ) ;-)
5. La technique donne une explosion du mode de narration grace au Flash... cela devient un neuvième Art encore plus créatif non ?
Oui et non. Dans la mesure ou l’auteur mesure bien l’utilisation du medium Flash et applique la technique pour renforcir le récit, c’est un plus, j’en conviens. Mais le vrai côté créatif de la bande dessinée se passe dans la tête du lecteur grâce aux multiples codes graphiques que le dessinateur emploie pour raconter son histoire. Le vrai génie, c’est de faire plus avec moins ! Devant une case ou le lecteur voit de la pluie tomber sur le pavé, inconsciemment il voit cette pluie en mouvement, il entend le bruit des gouttes sur le bitume (si ce n’est pas le cas, c’est un bien mauvais lecteur) C’est pourquoi, je ne me suis jamais lancé dans l’animation systématique pour mes productions en ligne.
J’ai gardé mes effets au strict minimum pour que le l’auditoire fasse le reste entre ses deux oreilles. Je crois qu’inversement, c’est un peu ce qui explique le succès du cinéma et de l’animation : tout est servi au spectateur sans effort d’imagination de sa part.
C’est mon opinion et je n’en reste pas moins un amateur de cinéma ! ;-)
6. Vous êtes également un très bon webdesigner... on peut dire que vous êtes le roi de la palette graphique alors...
Merci ! Sans vouloir briser vos illusions, disons que je me débrouille avec ce que je connais. Par exemple, je n’ai aucune connaissance en HTML, donc, pour monter mes sites personnels j’utilise Flash même si je n’exploite pas l’animation vectorielle dans ces sites. Mais j’essais de garder un esthétisme sobre et fonctionnel au maximum. Épargner les crises de nerfs des utilisateurs est mon principal objectif.
7. Quels conseils donneriez-vous au petit jeune qui voudrait atteindre votre niveau ? De travailler beaucoup, de se laisser porter par ses rêves ?
Hummm... être passionné est je crois un pré requis incontournable. Quand on est passionné, les efforts déployer à s’investir et à s’améliorer vont de soit. Et le métier d’auteur de bandes dessinées n’est pas toujours évident. La reconnaissance ne vient pas facilement et les premières années peuvent être difficiles. L’un des meilleurs conseils que je peux donner aux jeunes qui veulent progresser serait de côtoyer un ou des forums professionnels consacrés au dessin et à la bande dessinée.
Ces lieux d’échanges sont fréquentés par plusieurs pros qui peuvent donner de bons conseils sur notre travail et comment l’améliorer. Bien entendu, il faut savoir supporter la critique, c’est le dur chemin à emprunter pour progresser.
8. Comment va la BD mondiale selon-vous ? Et la BD francophone ?
Je ne connais pas la situation exacte de la bande dessinée dans le monde, mais des deux grands pôles que je connais, les USA et l’Europe, je peux affirmer ceci :
La BD aux USA s’est déjà mieux porté qu’aujourd’hui. Ceci est surtout dû au fait que les américains ont concentré leur production sur uniquement un seul genre : le super héro. Et comme ils n’ont pas la mentalité de l’album, le « comic book » ne se retrouve distribué qu’en « comic shop » et non par le biais des librairies, ce qui en fait un média accrochant un public plus restreint. Je crois que les auteurs américains doivent envier les européens sur ce point. Avec l’arrivée d’ententes de traduction et de distribution entre les éditeurs de chaque côté de l’Atlantique, on devrait voir le paysage du « comic » changer dans les prochaines années.
La BD en Europe est encore pour moi le terreau fertile d’œuvres de qualité. Aujourd’hui, ce sont encore des auteurs francophones qui me donnent le plus de plaisir à lire de la bande dessinée.
9. Si vous pouviez bâtir un empire, comment le dessineriez-vous ?
Je voudrais mettre en image l’empire des sens ! Je trouve ça génial quand un artiste est capable de procurer au lecteur une expérience physique avec un simple dessin. Lui faire venir l’eau à la bouche, lui faire parcourir son dos de frissons ou lui donner des bouffées de chaleur ! Ça peut paraître fou, mais c’est lié avec l’émotion que peut engendrer une histoire bien raconter.
10. Par quoi on termine cette e-terview... par un dessin ?
Pourquoi pas !
Ce fut un plaisir !
