Dialogue sur le Bush

Dialogue sur le Bush

La fiction est un travail fantasmatique de première importance qui interroge parfois le réel comme aucune autre forme de la création. Elle devient ainsi une thérapie pour la conscience, pleine d’enseignements sociétaux et de messages subliminaux pour notre présent. La vie refoulée et l’interdit du crime sont une matière romanesque précieuse. « Contrecoup » est l’histoire d’une Tentative...
En Mai 2004, fais ce qui te plaît : par exemple tuer George W. Bush et ainsi délivrer l’humanité d’un Président dictateur élu mal aimé, faire ce que tout américain qui aime son pays devrait faire en son âme et conscience.

Au nom du bien, légitimer un meurtre salvateur.

Nicholson Baker, par une mise en scène ultra minimaliste, va au bout de cette trouvaille littéraire de premier ordre et transforme un roman quasiment en essai. (ou inversement)

Nous sommes à Washington, ville où le président des Etats-Unis le plus controversé de tous les temps habite une maison blanche connue du monde entier.

Dans sa chambre de l’hôtel Adèle, Jay attend son pote Ben. Il veut oraliser un désir profond, celui d’assassiner le président George W. Bush comme accoucher d’un démon qui le taraude. Il veut faire Justice lui-même au nom de cette injustice démocratique qu’est pour lui l’élection de Bush.

Pourquoi un tel geste du désespoir ? Pourquoi une telle impulsion morbide ? Jay ne manque pas d’argumentaire. La futilité de la guerre en Irak, l’avortement, les dérives financières, l’intégrisme religieux, la nullité de la famille Bush.

Jay a honte de cette Amérique moralisatrice qui au nom de l’amour de dieu, de la raison d’état ou d’une justice immanente fait la Guerre au Mal en faisant encore plus de mal, en massacrant des vies innocentes. Pour lui une vie en épargnera des milliers d’autres. Celle de Bush.

Entre utopie schizophrène et délire de persécution, entre logorrhée affective et fine analyse, le personnage dit tout haut ce que le peuple américain n’ose plus révéler qu’à mots couverts. Une catharsis superbe et jubilatoire à lire sous les plusieurs degrés de sa narration.

Nicholson Baker nous offre ici un roman dramatique formidablement bien ficelé, parfaitement en phase avec notre époque et ses dérives politiques. Un ércivain entre en résistance au nom des idées.

Dans un jeu littéraire et intellectuel de la thèse et de l’anti-thèse savamment dosé et mis en scène, « Contrecoup » est un livre qui donne à réfléchir puis à penser.

C’est bien la meilleure chose qu’on puisse demander à de la bonne littérature.

Contrecoup, Nicholson Baker, Le cherche Midi, 117 pages, 10 euros.

Contrecoup, Nicholson Baker, Le cherche Midi, 117 pages, 10 euros.