No trespassing Tina Kent !

No trespassing Tina Kent !

" La pluie tombait dru, cette salope, je m’en souviens comme si c’était hier ". Voilà comment débute ce thriller binaire, moderne et branché dans tous les sens du terme. C’est un peu comme du Proust mais en plus « hype ». En 2002, Marcel aurait sans doute démarré sa " recherche du temps perdu " par " Longtemps de merde, je me suis couché de bonne heure dans cette connasse de vie ". Puisque son roman noirâtre a pour narratrice une mata " hardie " cybernétique et " fashion victim ", sa jumelle, l’auteur Tina Kent (la réunion improbable sous pseudo de Tina Turner et de Clark Kent sans doute) a choisi ce parti pris du jeunisme caricatural pour faire parler " la jeunesse de France ", chère au chanteur Saez.

Le dénie du danger des mondes modernes

" Chier ", " Merde " heureusement que l’écrivaine passionnée d’histoire romaine sauve l’ensemble en donnant des noms exotiques à ses personnages très (très) inventés du style " Démetrios " ou " Néro " car c’est autrement plus poétique tout de même que son jargon " disjoncté " !
En quatrième de couverture (ou " couv " " chochotte " " merde merde merde merde "), on peut apercevoir l’auteur en bas résille très aguichants dans une pose très langoureuse et suggestive où l’on voit juste son œil maquillé et de jolies bagues tape à l’œil, cela fait un drôle d’effet ; celui d’un objet livre plutôt réussi mais qui est loin de tenir ses promesses de mystères virtuels. Tout est artificiel dans ce livre, c’est une pose contemporaine, on joue à avoir du style et un ton mais cela ne convainc personne. Ca n’est jamais soi-même, c’est un mauvais roman de circonstance. Un camaïeu insipide de termes et d’actions en relation avec le monde des micro ordinateurs. Le " reader digest " lourdingue et " indigeste ", justement, de la littérature informatique.

Venons-en à cette histoire (toile " web " brouillonne cousue de fils blancs peinte à la va-vite). La vilaine pirate sexy sans scrupule et moderne est une femelle qui dit des gros mots " pauvre con "... Son nom de code : Clara. Elle habite dans le Marais (" comme tous les hors jeu " dit-elle), une zone pleine de pédés, d’archives, de capitalistes et de poubelles. Elle gagne sa vie en " crackant " (comprenez « petites pirateries entre amis » de programmes informatiques nonchalantes et surfs sur les océans de la nouvelle technologie).
Ce roman qui se lit couché et de bonne humeur (encore du Proust à ne pas en douter), est saupoudré d’expressions à se tordre de rire par terre, sorte de sous Michel Audiard à perruque shooté et habillé par Prada " .. elle s’était tartiné le groin avec l’un de ces masques, vantés sur le net, qui faisaient, paraît-il, disparaître les rides plus vite qu’un e-mail Paris/Tokyo. " et j’en passe et des meilleures. Non, tiens, encore une pour la route, car c’est bon de se dérider les zygomatiques, parfois " Je devais être aussi pâle qu’un torchon de cuisine après la lessive ". (Oui oui madame Denise, c’est dans le texte)
Le monde vu par Tina Kent ramène tout à la webcam, au courrier électronique, aux cartes à puces, aux mulots, c’est une immense décharge où se balade le champ lexical informatique. On se promène et on s’y noie. A chaque page on pourrait presque relever une fantaisie langagière grotesque. Un univers qui rendrait parano n’importe qui, même le Truman show. Voilà un bouquin qui pourrait faire croire aux non-initiés ou à nos grands-mères que l’Internet et les outils des autoroutes de l’information sont des pièges terribles, que nos vies terrestres sont menacées par des Albinos géants mangeurs de souris sans fil.

" Clarabelle " vole des secrets industriels pour la concurrence la James Bond girl mercenaire et fabrique à la chaîne de vilains virus informatiques qui filent des grippes terribles au capitalisme. Mais tout va mal pour elle depuis une malédiction à cause d’une montre trouvée dans un tas de « saloperies de merde ». Les trucs à la rhubarbe qu’elle adore ont un goût " de chiotte ", le feuilleton dont elle se délecte d’ordinaire lui semble idiot (elle doit regarder " les vacances de l’amour "). Lorsqu’elle découvre que le CIRCE (Consortium d’Industrie, de Recherche et de Commerce Européens), est à ses trousses, il ne lui reste plus qu’à fuir. Elle est alors kidnappée et confrontée à Balder Sorensen, Albinos méga canon mais très dangereux (qu’elle n’appelle même pas « mon lapin »).
Finissons cette mascarade virtuelle par cette grande leçon de philosophie (et de modernité toujours car Clara se range du côté des modernes) " Ma mère venait de mourir et moi j’avais envie de baiser. Avec le recul, je crois que c’est la vie qui reprend le dessus. Comme si l’acte de procréer faisait fuir la mort, en quelque sorte. "

Si vous aimez les parodies, les filles sexy et rebelles, les blagues à deux euros, vous embrouiller dans un conte jeune et branché et si vous voulez apprendre plein de nouveaux mots que Bill Gates ne connaît pas lui-même, l’accès à cet e-book sur papier vous est fortement conseillé.

Access denied, Tina kent, Flammarion noir, 395 pages, 20 euros.

Access denied, Tina kent, Flammarion noir, 395 pages, 20 euros.