Alexandre (Stern), le grand

Alexandre (Stern), le grand

Il est des livres qui ont de la gouaille. Des romans qu’on oralise pour s’en délecter plus longtemps, qu’on raconte en détail aux amis chers avec lesquels on a envie de partager des mots bons ou rares.
Un livre qui trouve son public est celui qu’on met dans sa poche, qu’on traîne aux bistrots, qu’on salit sur les comptoirs, qu’on use sur les bancs publics et qu’on offre en présent comme un ticket plein de promesses vers un autre univers que le sien. Un monde d’imaginaires comme seuls les artistes peuvent en créer.

« Second rôle », le premier roman d’Alexandre Moix, est de ceux-là, fourmilière de trouvailles langagières, d’images et de métaphores filées, incongrues et immanquablement poétiques. Ouvrage qui sent juste, qui fleure bon, qui transpire ce vécu qui ne peut s’inventer, mais juste s’offrir à la contemplation dans les interlignes d’un écrivain de talent. Il n’est de Littérature que celle qui parle aux sentiments vrais, celle qui témoigne des vies majuscules et minuscules avec la même élégance et le même respect.

Alexandre Stern, un cadet anonyme dans la foule des fraternités a trente ans et sa passion pour les auteurs de plume et de pellicule vient de lui donner un coup fatal. Il devient « un précaire » comme on dit et ce n’est pas la faute ni à Voltaire ni à Rousseau, mais à Proust et à Truffaut. Cet amoureux des grands Lettrés et des faiseurs de Cinéma se retrouve ainsi vite considéré comme un asocial pour cause de rêves fous, de sensibilité exacerbée, ou pire de velléité artistiques.

« Second rôle » est un roman initiatique dans les méandres des désillusions de la jeunesse, au pays des complexes et des paranoïas, des grandes et des petites peurs, il est des drames intimes qui ne peuvent s’exprimer que dans les pages reliées à la catharsis de l’écriture, pourvus qu’ils soient contés avec dignité et sincèrité.

« La vie ce n’est pas de la littérature... » Lui dit un recruteur. Condamné pour s’être simplement senti différent par la génération même qui l’a enfanté, il erre dans la ville, arrive à Paris cette mégalopole pleine de mégalo et sombre devant cet horizon bouché.
Son époque ingrate fait de notre héros un paria, lui le « Fangio de la transpalette, le Mozart de la balance » qui remplit aussi bien le rang des hôpitaux psy que ceux de l’ANPE ou encore les rayons légumes d’un supermarché de province. Lui, l’exclu qui traîne son désamour et qui souffre de l’incompréhension des autres.

Entre rire et larme, entre cocasse et iconoclaste, « Second rôle » est un roman qui se lit plusieurs fois, qui se joue de son lecteur jusqu’à la chute finale. Labyrinthique et chaotique ascension littéraire pour un jeune homme qui deviendra, ligne après ligne un écrivain de demain.

Entretien avec l’auteur à propos de ce livre
Lire la Critique de l’écrivain Carole Zalberg
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Second rôle, Alexandre Moix, Editions Carnot , 190 pages, 14 euros

Second rôle, Alexandre Moix, Editions Carnot , 190 pages, 14 euros