Interview : Ridan

Interview : Ridan

Ridan quand il parle, quand il chante, quand il respire c’est pour évoquer les incompris de la vie, des laissés pour compte de toute la société pour donner un résultat magnifique. Ce garçon auquel on ne peut coller aucune sale manie d’exploitation, auquel on ne peut rien reprocher, mérite mieux qu’un rêve éphémère et courtois, il faut donc lui donner la parole pour qu’il s’encre dans vos vies, dans vos têtes et même par delà. Dans sa classe tout risque, il touche du doigt les poings sensibles de nos écorchures de mortels.

J’ai vraiment eu du mal à trouver des questions à te poser car tout simplement, ton album parle tellement de moi, de nous « les gens » que c’est très difficile de dégager des particularités ?

Ridan : « Les gens se sentent assez concernés par mon album. C’est très agréable avec le recul de voir que l’on n’est pas seul, que la thématique que j’ai voulu exposer puisse être comprise et fasse boule de neige positivement. Surtout que je l’ai écrit égoïstement pour moi enfermé dans mon petit bureau. »

Tu dis dans ta chanson « Le Rêve » que tu étais un incompris avant d’avoir pris un stylo pour écrire ?

Ridan : « Complètement. J’ai une écriture taboue. En ce qui me concerne j’écris mes émotions, ma sensibilité sur une feuille de papier et je m’aperçois que je vais beaucoup plus loin dans mon écriture que dans mes paroles. Ma famille avait beaucoup plus peur de ce que je pouvais écrire que de ce que je pouvais dire. »

Le rêve et l’amour, qui sont omniprésents dans ton univers, sont les deux seuls plaisirs encore gratuits sur cette terre ?

Ridan : « Le rêve l’est de moins en moins. Le rêve est galvaudé par la société. J’ai du mal à concevoir le rêve avec l’argent par exemple mais pourtant pour beaucoup cela devient utopique mais achetable. Il y a une superbe publicité pour une voiture qui parle du top 10 des rêves dont le must consiste à avoir une voiture. C’est tragique ! »

Tu dresses un constat amer mais réaliste alors que musicalement tu restes très sage, c’était pour porter le texte plutôt que de le cacher ?

Ridan : « La musique sur cet album est un meilleur exutoire que les textes. Mes textes sont écrits dans une certaine difficulté, dans une certaine souffrance ce qui leur donne un côté très terre à terre qui est contre-balancé par la musique. »

Tu as voulu partager ton album en 2 parties bien distinctes ?

Ridan : « En 1 je tenais à dire en gros ce que j’avais sur la patate jusqu’à la cinquième chanson et de l’autre côté après l’intermède du titre « non chanté », tu as des expériences, par exemple de faire une chanson d’amour sur un reggae. Le reggae est souvent étiqueté comme quelque chose de contestataire et je tenais à modifier pour ma part cette obligation. Faire une chanson avec piano-voix sur l’enfant que je n’ai pas cela faisait variétoche basique mais cela voulait montrer que l’on pouvait varier des 3 ou 4 climats qui sont éternellement rejoués. Cette deuxième partie c’est la grande boutade de cet album. J’aimais bien aussi que le titre phare qui allait donner le nom à cet album soit un instrumental. »

Tu évoques souvent le mensonge dans tes interviews ou tes chansons ?

Ridan : « J’ai toujours pensé que la vérité était quoi qu’on en dise bonne à dire même dans la difficulté ou la souffrance. La sincérité c’est un geste de liberté dans un monde où l’on t’a dressé à mentir. La mystification on y vient trop facilement...

C’est aussi le quotidien des artistes de tromper ?

Ridan : « Tout simplement car ils font partie du monde dans lequel ils vivent. Nous vivons dans un monde où le paraître prédomine alors que l’être est beaucoup plus intéressant. Un excellent pâtissier n’a pas 3 mois de pratique derrière lui mais bien 10 ans, actuellement on tournerait plutôt dans l’effet inverse. »

Comment fait on pour ne pas se faire rattraper comme phénomène de société quand on chante si justement le quotidien ?

Ridan : « On court très vite ! (rire) »

La facilité pour toi aurait été de rentrer dans les clichés qui rassurent comme beur donc RAP ?

Ridan : « Bien sur, j’aurais pu faire du raï aussi ! aller dans les carcans qui sont imposés. Potentiellement j’aurais pu aussi finir comique. D’un point de vue marketing, pour certaines maisons de disques, c’était très intéressant d’avoir un beur qui fasse de la chanson française. Sauf que je ne fais pas de la chanson française mais je fais mes chansons et que si la chanson française c’est Brel, Brassens, Noir Dés’ ou Louise Attaque j’accepte mais si c’est pour me faire jouer à Céline Dion ou Lara Fabian j’aurais vraiment trop de mal (rire). Il y a des compromis que j’accepte mais les ¾ je suis obligé de les refuser pour œuvrer à ce que notre indépendance puisse se poursuivre. Je tiens absolument à rester proche de ce que je suis réellement. »

Tu n’es pas un produit labellisable, ce qui te donne une fraîcheur rarement connue...

Ridan : « C’est ce qui en emmerde plus d’un aussi ! »

Je présume que dans notre société moralisatrice et consensuelle, tu dois être boycotté par certains médias ?

Ridan : « J’ai vraiment été aidé par certaines structures qui ont été touchées par la véracité de l’album, comme quoi ce n’est pas totalement débile de vouloir faire ce qu’on aime dans la vie mais après un groupe qui commence par un T et se termine par un 1, mais de toute façon je n’ai pas choisi de faire de la chanson pour être médiatique ou « médiaticable » ! »

Tu as mis 4 ans à écrire à mettre en musique ton premier album on doit fatalement passer par des moments de doute ?

Ridan : « Le doute te permet de savoir si tu as raison, si tu as tord, si tu n’en dis pas trop. Il y a forcément une censure mais pour moi elle s’installe à la limite de ma morale personnelle. Il y a des choses personnelles que je n’ai pas à exposer crûment. 90 % de ce que je pense, je le dis ! après j’ai toujours peur d’être mal compris. C’est l’incompréhension qui me fait freiner sur certains points. »

Tu ne participes pas (à ma connaissance) aux manifestations d’artistes comme le KO Social qui colle bien à ton univers pourtant ?

Ridan : « C’est la récupération politique qui me choque et m’ennuie. J’essaye d’offrir de manière anonyme et personnelle des choses mais après il y a des causes qui me semblent justes et bien travaillées. J’ai fait par exemple un concert pour la paix en Palestine qui s’est conclu par des réactions où l’on me taxait d’être pro-palestinien. Mais si Israël me propose de faire un concert je le ferais : je pense que le drame n’a pas de frontières. Je ne veux juste pas qu’on me catalogue en grand tonton occidental qui va sauver la face du monde. »

Tu as les mêmes pertinences que Renaud à ses débuts, penses- tu que le système rattrape fatalement même les plus enragés ?

Ridan : « Ca me fait extrêmement peur. C’est ce qui pourrait m’arriver de pire d’être politiquement correct. Ma carrière commence et j’ai plein d’idées, plein de plaisirs dans la vie car je tiens à dire que je ne suis pas quelqu’un d’extrêmement malheureux non plus ! (rire) Il y a des gens qui font ou ont fait une carrière en commençant vrai et en finissant vrai. Y a des gens comme Béranger ou pas très loin comme Borhinger qui sont toujours restés intègres. »

Sur scène, comme le climat du disque est très varié, comme cela va t’il se présenter ?

Ridan : « J’ai voulu faire sur scène toute l’antithèse de l’album. C’est à dire qu’on peut faire quelque chose d’extrêmement joyeux et festif dans un album composé de manière très introverti et très introspectif. Je veux faire souffler un vent d’espoir sur scène ! »

Apparemment tu endures des migraines fréquemment, ne serait-ce pas un moyen physique pour ton corps de te faire souffrir d’être un écorché vif ?

Ridan : « Quand j’écris je me tape sûr une migraine au bout d’une heure comme si cette volonté de vivre ce que j’écris qui me met dans un état de stress, de mélancolie, de rage devait fatalement se traduire dans mon corps comme une souffrance. »

Le site de Ridan

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