Interview : Alexis HK

Interview : Alexis HK

Alexis HK après s’être promené en Playmobil dans Belleville son premier opus, le voilà recouvert de son portrait d’enfance dans un titre ambigu « L’homme du moment ». Finis les clichés faciles et le mordant cynique, nous voilà plutôt dans le piège d’un chanteur qui prend son temps pour composer et enregistrer des chansons entre deux concerts et conçoit son métier, comme un artisan qui distribue des fleurs, du bonheurs et parfois un rire jaune de clown blanc.

Un chanteur que tu dois connaître voulait devenir « beau et con à la fois », toi tu désires prendre les allures d’un cochonnet marseillais, qu’est-ce que cela cache ?

Alexis HK : « C’est un petit fantasme de dévalorisation. C’est avant tout un pied de nez à la fin de l’album car aujourd’hui tout le monde veut devenir superstar pour ne pas mourir seul et abandonné, moi j’ai désiré inverser le processus en racontant qu’on peut vouloir devenir quelque chose de plus simple. »

Ce qui est tragique c’est que parfois le cochonnet peut se faire taper par les boules et avoir très mal !

Alexis HK : « Ce côté petit et léger lui épargne souvent les gros chocs. Le cochonnet se fait plus emporter que taper. Il est protégé et tout le monde veut se rapprocher de lui. C’est le maître du jeu. C’est très intéressant, c’est une figure littéraire très peu exploité dans l’histoire de la musique. (rire) »

Que cache cette histoire d’amour avec la Norvège ?

Alexis HK : « C’est plus une histoire d’amitié. J’ai une copine norvégienne sur Paris qui m’invite régulièrement prendre le brunch chez elle, c’est vraiment très calme, très bien, avec des moments de silence appréciables, j’ai voulu en faire une chanson tout simplement. »

Tout au long de « L’homme du Moment » tu te fais plus romantique ?

Alexis HK : « Je suis d’accord avec toi... Je dois prendre un coup de vieux (rire). »

Ton album, musicalement se tourne vers la mer et des sonorités nordiques et plus particulièrement irlandaises ?

Alexis HK : « Je tenais à mettre en valeurs les musiciens qui sont derrière moi. J’ai quand même deux musiciens traditionnels qui jouent du violoncelle ou de l’accordéon ce qui est assez original pour une formation de chanson française, je voulais profiter de leurs présence, pour marquer leurs ambiances. C’est aussi une cassure sur certaines chansons et pas sur d’autres et c’est vrai qu’il y a des sonorités celtes et traditionnelles évidentes. »

Sébastien Martel rejoint la troupe de tes amis musiciens ?

Alexis HK : « J’ai rencontré Sébastien en jouant en première partie de M. On a vraiment bien sympathisé. Comme j’avais un arrangement de guitare à faire sur un morceaux très doux et que Sébastien Martel est très fort pour jouer la douceur car il a un jeu très fin, il est venu et en 1 heure et demi c’était dans la boite.

Tu relates moins d’histoires cruelles sur cet album ?

Alexis HK : « Tout le monde dit que ‘Belleville’ était cruel, pour ma part je ne trouve pas. Tout ce qui est cruel est méchant et je t’assure ne jamais éprouver de méchanceté derrière mes histoires. Jamais ! A aucun moment ! Je parle de personnages avec qui la vie elle même peut être cruelle mais ce n’est jamais une histoire d’homme cruel. »

Par contre tu enfonces l’idée d’être un anti-héros notoire ?

Alexis HK : « Oui ! (rire) Ca reste des chansons qui ne se prennent jamais au sérieux. Sinon je ferais de la politique ! (rire). J’aime bien mettre des petits coups de pattes pour faire sourire. »

En parlant de griffure, ta mère a t’elle apprécié la chanson « Tandis » ou tu fais des découvertes sur ta maman ?

Alexis HK : « Ma mère est omniprésente sur cet album ! C’est un album qui regarde derrière, qui scrute son enfance. Il y a des fantasmes, enfin j’espère comme dans la chanson que tu cites qui est l’antithèse de ma mère ! C’est une chanson qui veut dire « Est-ce que tu connais vraiment ta mère ? » Avec ce type qui revient chez sa mère et qui découvre une énorme soirée échangiste. Ca c’est drôle. »

Elle a donc un bon sens de l’humour ?

Alexis HK : « Heureusement ! (rire) Elle s’est plus sentie visée sur ‘L’homme du Moment’ où c’est plus premier degré dans un propos qui explique à force de vouloir devenir quelqu’un on oublie les gens qui nous ont fait. Avec l’idée de laisser de côté les gens qui nous aiment au profit de personnes qui nous donnent beaucoup moins que ceux qui nous ont toujours aimés. »

C’est aussi quelque chose qui peut s’analyser en réaction à la sortie du premier album et l’univers du monde musical ?

Alexis HK : « C’est beaucoup en réaction à ça effectivement. C’est une remise en question à un moment donné. A partir du moment ou ça commence à marcher, tu te fixes des obsessions bizarres, par exemple répéter aux gens qu’on est débordé alors que ce n’est pas forcement le cas. A un moment donné on revient vers les fondamentaux : faire de bonnes chansons, sans rentrer dans une veine pop putassière. »

Tu as beaucoup d’angoisses par rapport à ton métier ?

Alexis HK : « Je suis plutôt du genre à me remettre en question constamment. Quand tu vois que je veux devenir un cochonnet tu t’imagines quel confiance j’ai de moi. »

En décembre 2002 tu disais « Peut être que les choses se décantent pour moi en ce moment », qu’en est-il du vin aujourd’hui : il est de garde ou c’était du rouge qui pique ?

Alexis HK : « Je ne pense pas que ce soit de la piquette. Quand j’avais dis ça dans Libération c’était à un moment ou cela faisait 10 ans que je faisais ce métier sans qu’il se passe grand chose et soudain je sentais une sorte d’effervescence qui me semblait disproportionné. A l’arrivée le sens profond de tout ça c’est de travailler, de faire des concerts. »

On t’a catalogué homme du passée : c’est la raison du thème de la pochette avec un flash-back sur ton enfance ?

Alexis HK : « Pas vraiment. J’essaye de pas trop réfléchir à la façon dont on me catalogue. Cela ne m’appartiens pas trop. A partir de l’instant ou tu sorts une chanson avec un accordéon, à trois temps, un peu musette guinguette on y arrive vite à ces étiquettes. Mais je n’ai pas fais 11 chansons qui parlaient de pinards, de mecs qui se vomissent sur les pieds. J’ai toujours revendiqués des berceaux concrets. Pour la pochette c’était pour marquer un petit coup de vieux perso. C’est aussi car il y a des enfants qui sont rentrés dans ma vie. C’est un regard personnel de moi pour moi. »

Le côté « Rétro-Chic » qui te tenait lieu d’étiquette marquante n’a plus lieu d’être sur ce second album ?

Alexis HK : « Dès le départ il y a un pied de nez, quand tu vois que je suis signé chez Musiques Hybrides qui sont en avant sur tout et moi qui joue sur l’arrière garde, c’est un jeu de confiance avec les gens qui écoutent. Dans mes chansons tu sais fatalement que tu vas rencontrer certains anachronismes, sans jouer sur le « C’était mieux avant » ! J’aime bien embrouiller les pistes. »

Un DJ qui s’appelle Sayem a remixé ta chanson « La Femme aux Mille Amants » de façon électronique ?

Alexis HK : « Le but c’était de rendre chaque chansons déroutante, d’élargir les champs d’actions. Un autre DJ, un islandais assez fou, vient de m’envoyer un mix sur la même chanson que je compte bien mettre sur l’Open Disc. »

Tu places donc ces titres sur Internet, mais est-ce que c’était possible de considérer ce disque avec ces reprises en bonus ou alors commercialement ce n’était pas envisageable ?

Alexis HK : « De toute façon commercialement ce que je fais n’est pas envisageable ! (rire) C’est définitivement non commercial. C’est ça qui fait son charme. Et c’est là où je tiens à faire reconnaître la qualité de ma maison de disque Labels qui développe des artistes avec des objectifs de vente raisonnables. A partir de là tout est possible, une fois que tu t’es dis que tu ne va pas faire qu’un one-shot fait pour être vendu dans les 15 premiers jours de sa sortie mais plutôt progressivement par bouche à oreille, par concert interposé pourquoi pas. »

Avec un univers si foisonnant est ce plus courageux de ne mettre que 11 chansons sur ton album plutôt que 30 sans faire de sélection ?

Alexis HK : « Déjà je n’avais pas 30 chansons à ma disposition, je devais en avoir 17 ou 18. Je ne suis pas un gros producteur de titres, je suis un laborieux, ce que je vois ne m’inspire pas forcement... au contraire... J’ai beaucoup de moments de vide, beaucoup de vagues et de creux. De toute façon j’en choisi 11 car je veux faire un album court. Le même chanteur sur une vingtaine de chansons ça peut vite devenir lassant. J’aimais bien l’idée des disques de 30 ou 40 minutes sur 2 faces de 33 tours. C’était bien, bien dosé, on pouvait s’intéresser à chaque chanson. »

Tu reprends « Le Grand Pan » une chanson assez méconnue de Brassens, tout juste après avoir rendu hommage au grand Georges une chanson avant avec « Le Veuf », c’est un monument qui te sert dans tes créations ?

Alexis HK : « Le fait qu’elle n’ai jamais été reprise par personne ne fut pas le caractère principal du choix même si cela a joué mais c’est surtout que c’est une chanson d’actualité : le texte est d’un contemporain monstrueux. Elle raconte que la vérité scientifique prédomine sur tout, de la boisson à l’amour en finissant par la mort. Cette chanson c’est le titre le mieux écrit sur mon album ! Je suis un fou de Brassens et je tenais à montrer ce qu’il était capable de faire... ce mélange de conservatisme et d’anarchisme. Je suis un vrai amoureux de Brassens, je reviens toujours à lui. Il me rassure, me protége. Je sais pas je dois avoir un truc avec les grands moustachus (rire). »

Remontes tu encore la rue des Pyrénées à Belleville ou alors est ce trop remplis de bobo ?

Alexis HK : « Je l’ai descendu. Maintenant j’habite plus bas. Du coté de Bolivar. Il y a moins de bobos mais il y a plus de vieux. C’est pas mal, c’est plus calme. J’ai échappé à l’invasion des bobos en m’échappant moi même en qualité de bobo... »

Certaines personnes qui te suivent sont déçus de devoir entendre en disque certaines chansons que tu rodez déjà sur scène ce qui fait qu’il leur manque « de l’inédit » ?

Alexis HK : « A chaque nouvelle tournée j’offre la primeur des nouvelles chansons aux gens qui se déplacent pour me voir. Le spectateur je trouve que c’est le plus beau cadeau que l’on puisse faire à un artiste. Acheter son disque c’est pas mal aussi mais c’est pas pareil. Il y a un coté présence qui me rassure. J’ai besoin en plus de faire tourner la machine, de savoir ce que cela donne sur scène avant de les mettre sur un album. Il me faut partager mes chansons avant de les figer. »

Continues-tu à scénariser tes prestations scéniques ?

Alexis HK : « J’aime bien raconter une histoire dans l’histoire, c’est très intéressant dans un tour de chant. »

Bradonna fera-t’elle encore son apparition ?

Alexis HK : « Je te rassure, Georges Bradonna sera encore là ! Il a un peu changé de créneau mais c’est un de mes personnages récurents qui ne me quitte pas. »

Tu chantes le « chien de vieille », as-tu une pensée pour le bichon de Bernadette Chirac ?

Alexis HK : « J’ai assez peu de pensées pour Bernadette. Je pense souvent à l’action politique de son mari, mais les femmes de président m’ennuient terriblement. Surtout elle. Je la trouve insipide, bêcheuse et ennuyeuse. »

La politique est l’un des sujets que tu évites ?

Alexis HK : « Je ne l’évite pas. Je pense que ce n’est pas forcement le chanteur qui parle le mieux de la politique. C’est toujours facile de taper sur Le Pen. Je penserais toute ma vie qu’il est la plus belle des ordures mais cela ne changera rien de le chanter. La politique est une affaire de conséquence.

C’est une action qui n’est pas drôle à mettre en chanson, c’est très grave et sérieux et je ne suis pas toujours un garçon très sérieux. »

Le site Internet d’Alexis HK

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