Les enfants de Göttingen

Les enfants de Göttingen

Je suis née dans un village près de la frontière allemande. Je suis française, c’est écrit sur ma carte d’identité. Seulement, j’ai du sang allemand qui coule dans mes veines. J’ai la blondeur du type physique aryen. J’ai une double culture germano-française riche dont je suis fière. Mon grand-père né en 1902 et mort en 1990 m’a raconté son histoire. Et je vais vous en raconter un petit bout pour vous expliquer pourquoi, les fausses polémiques sur le film « La chute » en allemand, « der Untergang » me choquent et me consternent !

Il se prénommait Antoine, « Anton » en Deutsch (phonétiquement, prononcez toutes les lettres). Il ne parlait pratiquement qu’en allemand et moi, je lui répondais en français. Les soirs d’Hiver, il me racontait des Histoires de la Guerre, je lui en redemandais aussi souvent que possible.

La Lorraine étant annexée par l’Allemagne, il ne connaissait que cette langue. Un peu de français entre les deux guerres et puis voilà. Il n’en avait rien à foutre de la Politique finalement.
Il cultivait la terre et vivait au rythme des saisons. Il n’y avait pas de télévision, pas de téléphone, pas de voiture. Un paysan en temps de guerre ne meurt pas de faim, « pas comme les gens de la ville » qu’il disait. Ceux là même qui offraient montre, bijoux, manteaux de fourrure pour des victuailles. Mon grand-père avait trouvé un point de ralliement dans les champs quand le danger devenait trop grand pour ses sept enfants et sa femme.
Comme il était père de famille nombreuse, la corvée militaire lui a été épargnée.

Mon grand père me racontait que le téléphone était coupé, que les informations étaient sous le contrôle de la Wermark, que les films étaient de propagande pro hitlérienne.
Les routes étaient sous contrôle et pour se rendre d’un point à un autre, il fallait être muni d’un Ausweiss, Sans parler de l’Ecole ! Une secte ne sera jamais aussi organisée qu’un régime de dictature. J’ai lu ces cahiers qui nous feraient vomir. Il fallait une bonne dose de d’endoctrinement pour oser faire la classe avec autant de dévotion pour les nazis !

La plupart des familles étaient nombreuses, pas de monospace, une charrette et puis voilà ! Il valait mieux serrer les fesses en attendant que ça passe. La sagesse populaire des paysans disait que c’était de la Politique et que ça finirait bien par passer comme tout le reste. Il fallait survivre.
Nos voisins les uns après les autres, du jour au lendemain, se voyaient enrôlés de gré ou de force dans « les camps de travail obligatoire » ou dans les rangs sur les différents fronts- boucherie. Toute résistance à ces commandos armés des SS était sanctionnée par une exécution sommaire et immédiate.

En 1943, mon grand-père et ses fils se sont cachés dans les maquis lorrains afin qu’ils ne rejoignent pas les rangs de la Wermark. La même histoire m’a été conté par mon oncle de Munich. Et aussi par celui de Cologne ou encore de Berlin, qui lui avait été amputé de son bras droit dans les bombardements.

Voilà le sort du peuple sous un régime totalitaire au service de l’ambition forcenée d’un dictateur. L’époque est à restituer, s’il vous plait ! Pas d’Internet, pas de portables, pas de télévision !

Nous sommes dans les années 1940-1945. Voilà le quotidien des gens ordinaires.
Il faut rappeler aussi que les allemands sont des gens bien élevés, respectueux de l’ordre et des lois. Il est plus facile de gouverner un peuple allemand qu’un peuple français.
Respect, ordre, propreté, etc.....
« Quand le chef a dit, c’est que le chef a dit ! » (dicton populaire)
La gratification d’une personne est un honneur pour toute une famille.

Bien sûr, les intellectuels tels que Murnau, Fritz Lang ont fui à l’étranger. Les artistes ont été approché par Hitler, amoureux inconditionnel des arts et artiste raté lui-même. Ceux-là n’ont pas mis long feu à comprendre la folie mégalomane du personnage, mais ils étaient davantage informé que la populasse.

D’autres ont résisté et leurs morts vaines ont servi à accentuer la Terreur instaurée par ce régime totalitaire.

Dans les villages en Allemagne ou en Lorraine, des petites gens ont sauvé comme ils pouvaient des familles entières de juifs ou d’autres persécutés.
L’HORREUR des camps a été découverte bien après la guerre, on en parlait, on savait mais comment humainement se rendre compte d’une telle ampleur, d’une telle réalité sans les moyens de communication d’aujourd’hui ?.

Lutter contre ce sentiment de HONTE

Si le peuple allemand doit avoir honte, j’ai honte aussi. Tous les peuples qui ont eu un jour dans leur Histoires un dictateur doivent souffrir de cette même honte.
Hitler était allemand comme tous ses complices, mais l’Allemagne n’est pas Hitler.
Il en va de même pour la France et Napoléon, pour toutes les terres qui ont porté des assassins.

On peut avoir honte pour l’Humanité et la Planète qui osent fabriquer des monstres humains qui tuent, violent, frappent les plus faibles. On peut rejeter la faute sur Dieu s’il existe ou sur une fatalité macabre, abjecte.

Mais pourquoi culpabiliser encore aujourd’hui le peuple allemand et lui seul ?

Le film « La chute » ne laisse personne indifférent et doit n’être qu’ une vision d’artiste et somme toute respectueuse.

Et je ne sais pas pour vous, mais depuis sa projection, je chantonne la chanson de Barbara : ....

« Et tant pis pour ceux qui s’étonnent,
Et que les autres me pardonnent,
Mais les enfants, ce sont les mêmes,
A Paris ou à Göttingen,

O, faites que jamais ne revienne,
Le temps du sang et de la haine,
Car il y a des gens que j’aime,
A Göttingen, à Göttingen,

Et lorsque sonnerait l’alarme,
S’il fallait reprendre les armes,
Mon coeur verserait une larme,
Pour Göttingen, pour Göttingen...