Le Dali du net

Le Dali du net

Le messin Frédéric Vignale affûte son impertinence sur internet. Entre amour de la littérature et goût « people » de l’événement. Un maître démoniaque de l’écume des jours.

Il est l’ami des pères Noël suspendus, l’internaute inattendu, le tendanceur provoc, le maître de l’événementiel interstitiel. Frédéric Vignale, 31 ans, une tannière à Metz, une autre sur la toile, anime le site internet Le Mague. Ce jeune prodige impertinent, vrai-faux imposteur, amateur de variétés et d’événements éphémères, a aussi un solide bagage en lettres modernes. Pratique pour voyager dans le futur. Sur sa fiche des Renseignements Généraux, il a pu lire récemment - et ça le fait rire - : « Vignale, Frédéric, classé 8e parmi les 10 français les plus actifs sur le net. Capable du meilleur comme du pire ».

« La force qui est en moi... »

Frédéric Vignale a commencé à sévir à la lisière du millénaire, en lançant le « site un peu officiel » de Frédéric Beigbeder. C’était avant le succès en librairie de son bouquin 99 francs. « Ce fut un buzz press énorme, des connections sur mon site hallucinantes, plus de 800.000... » Puis, il a créé un site des fans de l’écrivain Michel Houellebecq. « C’était idéal pour étudier leur profil, quadras tristes et esseulés, aux vies sexuelles et sentimentales inexistantes ». C’est sans nuance, cinglant. Très vite, il a été repéré par les dénicheurs de talents. Il se retrouve « chroniqueur nouvelle technologie » dans l’éphémère retour de « Ciel mon mardi » de Dechavanne. Trop surfait. Sur les traces de Warhol ou Ardisson, il s’éclate plus en lançant son site E-Terviews. « Je suis à la recherche de nouveaux espaces. J’utilise les médias pour ce qu’ils sont et la force qui est en moi, ce sont les moteurs de recherche » confie ce déplaceur de frontières.

Début 2003, il lance Le Mague en ligne. « Ça veut dire magicien en vieux français ». Et l’alchimiste ne recule devant pas grand chose. Quand Bertrand Cantat dérape à Vilnius, il écrit une fausse lettre ironique qu’il attribue à Jean-Marie Messier. Comme une revanche du patron déchu de Vivendi Universal après une humiliation aux Victoires de la Musique. Trois jours plus tard, Denis, musicien de « Noir Désir », conscient du faux, répond officiellement. Ce sera l’une des rares confessions du clan Cantat dans le tourbillon de l’affaire Trintignant.

Les génies du 21e siècle

A la vitesse d’un éclair, Frédéric Vignale réalise la puissance d’internet. Il lance des interviews soignés avec des vedettes. A l’inverse de la logique de ce média, il s’accorde avec eux, langueur et temps suspendu. « Je mets des stars en ouverture de mon site, car ce sont des produits d’appel, des sujets tête de gondoles ». Avec cette lucidité marketing, il frôle la lisière du journalisme, mais revendique plutôt « un acte journalistique et artistique ». Lucide, il alimente sa mégalo en tournant ce penchant à l’auto-dérision : « Tout le monde s’aime et adore se mettre en scène. Je surfe beaucoup sur les blogs, ces journaux intimes où l’on déniche les génies du 21e siècle ». C’est sans doute optimiste. Peu importe, il reste le pied au plancher, réalisant une vidéo canon pour Bianca Jagger, ou réalisant des photos des WC de son pote le poète espagnol Fernando Arrabal qui voit en lui le « Dali du net ». Vignale se marre toujours, s’étonnant lui-même. Le journal Libération le qualifie de « mégalomane à tendance hystérique ». Du pain bénit. Lui rêve toujours de devenir éditeur tout en continuant sans mépris à regarder la Star Académie. Il supplie ses jeunes collaborateurs : « Etonnez-moi, faites-vous plaisir ». Et reste fidèle à cette règle : « Ne critiquez pas les médias, inventez le vôtre ».

Alain DUSART