METRO 2095

METRO 2095

Plus personne, soi-disant, n’était plus descendu dans ces sous terrain en raison du danger latent provoqué par les toiles. Outre le fait que ces araignées avaient, en quelques décennies, atteint une taille défiant toute logique naturelle, la virulence de leurs sécrétions pouvaient, à terme, détruire totalement un organisme humain.

Or, il y avait là de nombreuses traces de passage, des papiers gras ayant servi à emballer de la nourriture, des bouteilles vides, et même une série de nike 2092, coincée sous les rails de façon à n’en laisser apparaître que l’ouverture, comme pour un jeu à trous fabriqué au petit bonheur par des enfants sur la voie désaffectée. L’on n’osait pas imaginer ce qui avait bien pu servir de balle. Ici ou là, des tentures ayant vraisemblablement été découpées ou déchirées dans des bannes de grandes surfaces, piquées d’un bord à l’autre au support de ce qui fut jadis des panneaux indicateurs, montraient que différentes pièces avaient ainsi été improvisées en ce lieu maudit. C’est dire que des hommes y avaient vécu.

Cette découverte coupa court à toute envie de mort en moi. Non pas que d’un seul coup, ce monde ne m’apparut plus viable qu’il ne l’était quelques minutes avant que je n’ose descendre ces marches et gravir à tous bras ces monticules de gravats poisseux, la viscosité de ce qui me collait aux sapes après ce passage insensé ne me dérangeait pas le moins du monde. J’avais mûrement réfléchi avant. Tout était fini. J’étais parti en quête d’un lit de poison dans lequel me rouler et mourir. Et je venais de mettre à jour, là, un mensonge d’Etat encore plus venimeux que la vérité qu’il prétendait donner. Vrai que nous n’étions plus à un mensonge près. Mais c’était tout de même très intéressant. La vie était donc possible dans les entrailles du sol. Point d’insecte géant. Mais cette demeure sauvage, résistante, bien réelle, bras d’honneur au nez du Jour blafard de cette année sanglante 2095, ouvrait de folles perspectives.

Et si je continuais ma marche entre ces barres de fer, dans cette bouche noire, allais-je trouver un autre abri clandestin, un bureau secret ou encore, pourquoi pas, toute une ville ?

photographie : Frédéric Vignale, 2004

photographie : Frédéric Vignale, 2004