Madonna, la faiseuse de chrysalides

Madonna, la faiseuse de chrysalides

Madonna, c’est avant tout un corps. Quoi qu’on dise, pense ou croit. Le talent artistique, la voix, le charme arrivent après, presque secondaires. C’est dans la maîtrise scrupuleuse, attentive et parfaite de ce capital musculaire, veineux, charnel que naissent la grâce et la force de la Diablesse.

Madonna n’a rien d’une beauté parfaite, elle n’est pas très grande, a des hanches, des formes. Elle a même un visage plutôt large, et une silhouette de méditerranéenne comme des milliers d’autres femmes dans le monde. Mais elle est l’Elue.
La beauté époustouflante, captivante, extra-sensorielle qui se dégage de la Madone n’a rien de calibré, de normatif, elle est beaucoup plus profondément ancrée en son sein, en ses entrailles damnées. Elle durera. A chaque âge, elle renaîtra de sa propre enveloppe intime. Madonna est une faiseuse de chrysalides.

Rien n’est hasardeux dans son destin. C’est en empruntant un patronyme de Sainte que le démon pop a choisi de s’exprimer. Madonna est un pêché de chair, une gourmandise, une tentatrice perpétuelle. En elle, se côtoient la vierge et la putain dans une harmonie toute rock and roll.. Son destin est politique, sociologique, historique. Madonna nous parle continuellement de son époque, c’est inscrit dans ses gênes. Elle pourrait être l’objet de plusieurs thèses à ce sujet. C’est sa liberté de femme indépendante et sexuée qui nous fascine aussi. Louise Ciccone a plus œuvré dans son art que des milliers de ligues féministes. Elle est, à elle seule, le symbole de l’émancipation, de la fornication sans fausse pudeur ni honte. Et puis de surcroît, elle a aussi un œil et une oreille redoutables.

Musicalement et physiquement, elle a eu plusieurs vies ; réincarnation d’une Marilyn qui aurait dépassé 36 ans, elle a mis à genoux l’Amérique et ses rêves sexuels pulpeux, avec ses provocations et outrances qui révélaient son intime et donnaient du sens à ses postures. Un message en forme d’humanité qui regarde la femelle pleine de désirs et de convictions, autrement.
Dans des danses en guêpière, dans des postures androgynes, dans des robes latino, en victime de la mode ou en punkette paumée, elle a réalisé dans le désordre tous les phantasmes féminins et masculins. Elle fait définitivement partie de notre imaginaire.
Madonna s’écrit au pluriel, elle a tant marqué le siècle artistique, elle a fait et fera couler tellement d’encre, alimentera tant de scandales et de succès, qu’elle sera reine bien au-delà de sa propre mort physique.
Dans un sens c’est déjà une survivante qui a déjà gagné la vie éternelle, l’icône est toujours là, riche, puissante, inspirée malgré les pressions, les échecs, la drogue, le sexe et le fanatisme autour de son personnage.

Bien entendu Madonna a un porte monnaie tout près du coeur (biblique). Elle a installé un empire marketing autour de sa marque de fabrique, elle a fait et fera « du Madonna » fidèle à sa propre légende montée de toute pièce, à force d’audace, de travail et d’acharnement. Elle fera certes encore des erreurs et de mauvais choix artistiques, traversera sans doute quelques déserts. Mais nuls doutes que Madonna, la guerrière rebondira toujours de la meilleure manière qui soit, car cette intuitive, cette sanguine a touché à sa manière du doigt une sorte d’immortalité. Au-delà du bien ou du mal et du bon ou du mauvais, Madonna a dépassé sa propre biographie. Madonna est un mythe vivant, elle fait corps avec son épopée sulfureuse sans aucune démagogie. Elle construit une œuvre cohérente et belle.
Madonna est une apparition bienheureuse. On l’aime religieusement, avec le respect dû à son rang, à sa puissance et à sa gloire.
La papesse continuera d’enchanter ses adorateurs.
Madonna est une bénédiction.