Interview : Déportivo

Interview : Déportivo

Peut-il y avoir du rock (dans sa plus grande acceptation anglo-saxonne) en France ? oui. Chez Déportivo. Agressif, brûlant, loin des images d’Epinal sur la question, ces 3 garçons m’ont fait prendre conscience que l’affirmatif à la question était possible. ‘Parmi Eux’ je me suis vu revivre, reprendre des couleurs par l’idée que l’alternatif existe. Qu’un point de résistance à la soupe tiède se collait au fond de la casserole et cela en moins de 30 minutes d’album. Fini le bourdonnement de la cogitation, arrêtons la réflexion et prenons donc du plaisir à connaître ces jeunes trublions prêts à tout déjouer sur leur passage.

Pour vous prouver que j’ai écouté votre album un peu partout, quand je mets votre CD dans le lecteur de mon ordinateur toutes les chansons sont correctement intitulées sauf la piste 4 qui au lieu du titre original « Sur Le Moment » s’inscrit comme titre de chanson « Florent Marchet » ?

Déportivo : « Tu nous apprends une drôle de chose. Ca doit faire partie des petits ratés de l’album. En même temps on préfère qu’il soit noté Florent Marchet que Pascal Obispo. »

Comment qualifieriez-vous votre album à quelqu’un qui ne vous connaîtrez pas ?

Déportivo : « De brut et d’honnête. Il n’y a pas trop de triche. On ne s’est pas emballé à droite ou à gauche lors de l’enregistrement. C’est un album de passionnés. »

Contrairement à beaucoup de nouveaux artistes, vous ne vous êtes pas fait connaître sur scène avant de sortir votre CD ?

Déportivo : « Personne ne voulait de nous quand on a commencé ! Pourtant on avait envoyé une ou deux démos aux programmateurs de salles pour faire des concerts mais jamais nous n’avons eu de suite. Dans les Yvelines, notre région d’origine, on nous a boycotté uniquement parce qu’un jour lors de l’un de nos rares concerts on avait jeté un pied de micro. Alors plutôt que de faire de la scène on a essayé d’écrire des chansons qui nous plaisaient et de rentrer en studio pour les enregistrer. Cela nous a permis de ne pas perdre de temps inutilement. Après tout c’est goupillé assez rapidement avec les maisons de disques et là par contre, suite à l’album, on a pu tourner partout. Même dans les Yvelines. (rires) »

Pourquoi avoir choisi Le Village Vert comme maison de disque et Barclay par leur intermédiaire ?

Déportivo : « Le directeur artistique de chez Barclay nous avait dit que ce que l’on faisait était fort intéressant mais qu’il n’était pas pressé de concrétiser. Alors que le Village nous appelait tous les jours, venait aux répétitions, ils avaient une conception qui s’approchait fortement de la notre donc on a opté pour eux surtout que c’est une petite structure avec de très bons groupes comme ‘Luke’ ou ‘Pierre Bondue’. Après pour la licence on a choisi Barclay car ce sont les premiers à s’être manifesté pour nous signer. »

Vous aviez le cul bordé de nouilles au niveau du choix ?

Déportivo : « On a eu la chance de faire le tour de beaucoup de structures c’est vrai. Lorsque tu vois ce que fait Barclay tu sais pertinemment qu’ils le font pour le bizness mais grâce à un groupe comme Noir-Dés’ qui leur a bien montré comment ça pouvait fonctionner autrement, et puis Bashung, tu t’aperçois que les mecs sont un peu au jus et te comprennent. Ils n’ont pas que des Lorie dans leur catalogue. »

Toutes vos chansons ne dépassent pas les 3 minutes, c’est très rare dans les groupes français d’aller à l’essentiel ?

Déportivo : « On ne sur-joue pas ! quand il n’y a pas moyen d’aller plus loin on ne le fait pas. Quel intérêt de faire durer 4 minutes ou 5 une chanson qui n’en a pas la prétention ? Avant cet album on faisait des chansons plus longues que celles-ci mais elles demandaient trop de concentration dans un sens. On n’est pas capable de faire un morceau long qui tienne le coup. On a vraiment fait selon nos moyens, même s’ils sont plus faibles que les autres. On n’est pas forcément des prodiges de nos instruments mais on a essayé de jouer avec nos petites qualités. Si tu écoutes les chansons de Manu-Chao tu vois qu’elles sont courtes mais n’en portent pas moins une marque. Nos contraintes techniques nous ont servi. »

La virtuosité peut être parfois ennuyeuse sur disque ?

Déportivo : « Sur certains albums écouter un long solo c’est vite chiant (rire). »

Votre rapidité d’exécution se rapproche du meilleur son anglo-saxon ?

Déportivo : « Au départ, on pensait gérer les chansons individuellement mais ensuite on s’est vite aperçu que même si la durée était courte on avait un album entre les mains. Les 27 minutes on les assument complètement ! Le vol s’aurait été de faire du gavage. La seule conséquence réelle de cette durée limitée c’est qu’on a demandé expressément au label et à la maison de disque de faire le prix en dessous de cent balles. »

Le cancre dans vos chansons est souvent une source d’inspiration ?

Déportivo : « Ils sont plusieurs ! le cancre ce n’est pas juste scolaire. C’est plus le mec qui n’est pas bien estimé. Le cancre c’est le garçon à qui l’on dit « Il faut que tu travailles » et qui répond « Je fais de la musique » et à qui l’on dit « c’est bien mais il faut que tu travailles ! ». Notre cancre c’est le mec qui travaille dans une entreprise mais qui est le plus lent de tous. Ce petit gars pas méchant mais toujours à l’écart. »

Votre univers est un monde rempli de fuites ?

Déportivo : « C’est dingue le nombre d’heures où chacun de son côté on pensait à la musique alors que nous étions ailleurs. C’est pareil pour beaucoup de monde. On en arrivait à chercher du travail où il ne fallait pas beaucoup de réflexions pour pouvoir penser à la musique. L’évasion vient de cette envie de liberté quand tu es cloisonné dans un endroit qui ne te correspond pas. »

« Queen of Universe » c’était trop dur de le chanter en français ?

Déportivo : « Il est venu comme ça. C’était pour écrire une sorte de chanson d’amour et rendre hommage à ma copine anglaise. »

L’album utilise les poncifs rocks mais presque au second degré, c’est les fantasmes des gosses de Bois d’Arcy qui remontent à la surface ?

Déportivo : « Quitte à le faire autant le faire à fond. On a digéré plein de musiciens exceptionnels et naturellement on a voulu recracher. Après si ça représente un courant musical c’est uniquement parce qu’on a été baigné dedans dans le passé. Si il y a une ressemblance qu’elle soit de Brassens ou de Louise Attaque on accepte, ce n’est pas grave, le temps nous permettra de trouver notre singularité. Si l’album personnel vient à 50 piges ce ne sera pas un souci. »

Cela vous ennuie qu’on vous compare toujours à Noir-Désir ou Luke ?

Déportivo : « Tu retardes, ça change depuis quelque temps : c’est plus Noir Dés’ c’est Nirvana.... je pense que l’effet coffret nous a aidé à devenir les nouveaux Nirvana. (rire). »

Vous êtes 3 est ce que c’est le chiffre parfait pour un groupe de rock ?

Déportivo : « On a plein de pote qu’on voudrait intégrer au groupe... attend de nous voir arriver à l’avenir avec des trompettes (rire). On ne veut pas que sous prétexte d’être catalogué groupe rock on soit mis dans une contrainte d’évoluer éternellement à trois. »

Pouvez vous me parler de votre clip « 1000 moi-même » et comment les habitants de Corlay vous ont accueilli ?

Déportivo : « On a été super bien reçus. Le postulat de départ c’était l’idée des gens qui dansent dans un bal musette sur l’une de nos chansons. Y a pas de foutage de gueule de ces bals de notre part, juste un clip décalé plutôt rigolo. Les gens qui sont sur le clip sont venus non seulement pour danser pendant le bal musette mais aussi pour être filmés lorsque nous avons monopolisé la scène pour le tournage. On discutait avec les gens, on dansait, buvant des kirs avec tout le village. Le clip c’est pas forcément ce qu’on préfère faire alors on essaye de se marrer. »

Que vous ont appris les Wampas lorsque vous les avez côtoyé ?

Déportivo : « Pas mal de trucs. Par exemple : qu’être accordé c’est bourgeois (rire). Le truc c’est qu’en les voyant tu te mets à niveau et tu vois que tu es loin de leur perfection, mais eux te diront que la musique c’est pas si sérieux et te foutent la banane avec leurs concerts. »